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Les modèles biologiques sont-ils utiles pour penser l’évolution des sociétés ?

<!DOCTYPE html PUBLIC "-//W3C//DTD XHTML 1.0 Strict//EN" "http://www.w3.org/TR/xhtml1/DTD/xhtml1-strict.dtd"> <html xmlns="http://www.w3.org/1999/xhtml" xml:lang="fr" lang="fr"> <head> <script type="text/javascript">document.documentElement.className = 'js';</script> <meta http-equiv="Content-type" content="text/html; charset=utf-8" /> <meta http-equiv="Content-language" content="fr" /> <title>Les modèles biologiques sont-ils utiles pour penser l’évolution des sociétés ?</title> <link rel="alternate" href="http://journals.openedition.org/pm/pdf/599" type="application/pdf" title="Les modèles biologiques sont-ils utiles pour penser l’évolution des sociétés ?"/> <meta name="url" content="http://journals.openedition.org/pm/599" /> <link rel="icon" type="image/png" href="https://static.openedition.org/journals/images/favicon.png" /> <meta name="generator" content="Lodel 1.0" /> <meta name="viewport" content="width=device-width, initial-scale=1, shrink-to-fit=no"> <link rel="schema.DC" href="http://purl.org/dc/elements/1.1/" /> <link rel="schema.MARCREL" href="http://www.loc.gov/loc.terms/relators/"/> <meta name="DC.type" content="Text" /> <meta name="DC.format" content="text/html" /> <meta name="DC.identifier" scheme="URI" content="http://journals.openedition.org/pm/599" /> <meta name="DC.identifier" scheme="ISSN" content="2105-2565" /> <meta name="DC.title" content="Les modèles biologiques sont-ils utiles pour penser l’évolution des sociétés ?" /> <meta name="DC.publisher" content="Association pour la promotion de la préhistoire et de l'anthropologie méditerrannéennes" /> <meta name="DC.language" scheme="RFC3066" content="fr" /> <meta name="DC.type" content="journalArticle" /> <meta name="DC.identifier" scheme="DOI" content="10.4000/pm.599 " /> <meta name="citation_doi" content="10.4000/pm.599 " /> <meta name="author" content="Testart, Alain" /> <meta name="DC.creator" content="Testart, Alain" /> <meta name="keywords" content="Évolution sociale, biologie, darwinien (ou Darwin), modèle, épistémologie, sociétés, culture, Social evolution, biology, Darwinian (or Darwin), model, epistemology, society" /> <meta name="description" xml:lang="fr" lang="fr" content="L’article se veut une critique systématique de quelques tentatives de transposition (Luca Cavalli-Sforza, Pascal Jouxtel) du modèle « néo-darwinien » aux faits sociaux ou culturels. Sa thèse principale est que l’explication darwinienne n’est épistémologiquement valide que moyennant certaines conditions assez restrictives : les variations doivent être engendrées 1° indépendamment de leur valeur adaptative, 2° selon une large gamme de variations et 3° de façon aléatoire (du moins, sans prévisibilé). Sinon ce serait ce processus d’engendrement qui déterminerait l’essentiel de l’évolution, et la sélection naturelle n’aurait plus qu’un rôle modique à jouer. Les mutations génétiques obéissent à ces conditions, ce qui fait du modèle darwinien un bon modèle pour penser l’évolution biologique. Mais les innovations sociales n’obéissent à aucune d’entre elles, ce qui rend la transposition au monde social absurde. La suite de l’article met en évidence quelques particularités de l’évolution des sociétés, très différentes de l’évolution des espèces. " /> <meta name="DC.description" xml:lang="fr" lang="fr" content="L’article se veut une critique systématique de quelques tentatives de transposition (Luca Cavalli-Sforza, Pascal Jouxtel) du modèle « néo-darwinien » aux faits sociaux ou culturels. Sa thèse principale est que l’explication darwinienne n’est épistémologiquement valide que moyennant certaines conditions assez restrictives : les variations doivent être engendrées 1° indépendamment de leur valeur adaptative, 2° selon une large gamme de variations et 3° de façon aléatoire (du moins, sans prévisibilé). Sinon ce serait ce processus d’engendrement qui déterminerait l’essentiel de l’évolution, et la sélection naturelle n’aurait plus qu’un rôle modique à jouer. Les mutations génétiques obéissent à ces conditions, ce qui fait du modèle darwinien un bon modèle pour penser l’évolution biologique. Mais les innovations sociales n’obéissent à aucune d’entre elles, ce qui rend la transposition au monde social absurde. La suite de l’article met en évidence quelques particularités de l’évolution des sociétés, très différentes de l’évolution des espèces. " /> <meta name="keywords" xml:lang="fr" lang="fr" content="Évolution sociale, biologie, darwinien (ou Darwin), modèle, épistémologie, sociétés, culture" /> <meta name="description" xml:lang="en" lang="en" content="The article systematically criticizes a number of attempts (Luca Cavalli-Sforza, Pascal Jouxtel) to apply the “neo-Darwinian” model to social and cultural facts. The main argument herein is that the Darwinian explanation may be recognized as epistemologically acceptable only under specific limiting conditions: variations are to be generated first irrespective of their adaptative value, second within a large range of variations and third at random (at least, without predictability). Otherwise such generating process would determine the fundamental evolution trends, and natural selection would be left to play a limited role. Gene mutations comply with these conditions, which is why the Darwinian model is suitable for theorizing biological evolution. However, social innovations do not follow any of these conditions and therefore transposing this model into the social arena would prove meaningless. The second part of the article highlights some distinctive features of social evolution, as opposed to biological evolution. " /> <meta name="DC.description" xml:lang="en" lang="en" content="The article systematically criticizes a number of attempts (Luca Cavalli-Sforza, Pascal Jouxtel) to apply the “neo-Darwinian” model to social and cultural facts. The main argument herein is that the Darwinian explanation may be recognized as epistemologically acceptable only under specific limiting conditions: variations are to be generated first irrespective of their adaptative value, second within a large range of variations and third at random (at least, without predictability). Otherwise such generating process would determine the fundamental evolution trends, and natural selection would be left to play a limited role. Gene mutations comply with these conditions, which is why the Darwinian model is suitable for theorizing biological evolution. However, social innovations do not follow any of these conditions and therefore transposing this model into the social arena would prove meaningless. The second part of the article highlights some distinctive features of social evolution, as opposed to biological evolution. " /> <meta name="keywords" xml:lang="en" lang="en" content="Social evolution, biology, Darwinian (or Darwin), model, epistemology, society, culture" /> <meta name="DC.subject" xml:lang="fr" lang="fr" content=" Évolution sociale, biologie, darwinien (ou Darwin), modèle, épistémologie, sociétés, culture" /> <meta name="DC.subject" xml:lang="en" lang="en" content=" Social evolution, biology, Darwinian (or Darwin), model, epistemology, society, culture" /> <meta name="DC.date" scheme="W3CDTF" content="2011-12-30" /> <meta name="DC.rights" content="https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/" /> <meta name="DC.relation.isPartOf" content="Préhistoires Méditerranéennes, 2 | 2012 Varia " /> <meta name="DC.source" content="http://journals.openedition.org/pm" /> <meta name="citation_journal_title" content="Préhistoires Méditerranéennes" /> <meta name="citation_publisher" content="Association pour la promotion de la préhistoire et de l'anthropologie méditerrannéennes" /> <meta name="citation_authors" content="Testart, Alain" /> <meta name="citation_title" content="Les modèles biologiques sont-ils utiles pour penser l’évolution des sociétés ?" /> <meta name="citation_publication_date" content="2011/12/30" /> <meta name="citation_online_date" content="2011/12/30" /> <meta name="citation_issn" content="2118-8211" /> <meta name="citation_issue" content="2" /> <meta name="citation_language" content="fr" /> <meta name="citation_keywords" content="Évolution sociale; biologie; darwinien (ou Darwin); modèle; épistémologie; sociétés; culture; Social evolution; biology; Darwinian (or Darwin); model; epistemology; society" /> <meta name="citation_abstract" xml:lang="fr" lang="fr" content="L’article se veut une critique systématique de quelques tentatives de transposition (Luca Cavalli-Sforza, Pascal Jouxtel) du modèle « néo-darwinien » aux faits sociaux ou culturels. Sa thèse principale est que l’explication darwinienne n’est épistémologiquement valide que moyennant certaines conditions assez restrictives : les variations doivent être engendrées 1° indépendamment de leur valeur adaptative, 2° selon une large gamme de variations et 3° de façon aléatoire (du moins, sans prévisibilé). Sinon ce serait ce processus d’engendrement qui déterminerait l’essentiel de l’évolution, et la sélection naturelle n’aurait plus qu’un rôle modique à jouer. Les mutations génétiques obéissent à ces conditions, ce qui fait du modèle darwinien un bon modèle pour penser l’évolution biologique. Mais les innovations sociales n’obéissent à aucune d’entre elles, ce qui rend la transposition au monde social absurde. La suite de l’article met en évidence quelques particularités de l’évolution des sociétés, très différentes de l’évolution des espèces." /> <meta name="citation_abstract" xml:lang="en" lang="en" content="The article systematically criticizes a number of attempts (Luca Cavalli-Sforza, Pascal Jouxtel) to apply the “neo-Darwinian” model to social and cultural facts. The main argument herein is that the Darwinian explanation may be recognized as epistemologically acceptable only under specific limiting conditions: variations are to be generated first irrespective of their adaptative value, second within a large range of variations and third at random (at least, without predictability). Otherwise such generating process would determine the fundamental evolution trends, and natural selection would be left to play a limited role. Gene mutations comply with these conditions, which is why the Darwinian model is suitable for theorizing biological evolution. However, social innovations do not follow any of these conditions and therefore transposing this model into the social arena would prove meaningless. The second part of the article highlights some distinctive features of social evolution, as opposed to biological evolution." /> <meta name="citation_abstract_html_url" content="http://journals.openedition.org/pm/599" /> <meta name="citation_fulltext_html_url" content="http://journals.openedition.org/pm/599" /> <meta name="citation_pdf_url" content="http://journals.openedition.org/pm/pdf/599" /> <meta name="DC.description.tableOfContents" content="&lt;h1&gt;Plan&lt;/h1&gt;&lt;h1&gt;I. L’adaptation : que l’universalité d’un concept ne veut pas dire sa pertinence&lt;/h1&gt;&lt;h1&gt;II. La sélection naturelle : ce qui en fait un concept clef pour la conception de l’évolution biologique, et pourquoi elle ne saurait l’être pour la conception de l’évolution des sociétés&lt;/h1&gt;&lt;h2&gt;Le problème épistémologique&lt;/h2&gt;&lt;h2&gt;1. Les variations doivent être engendrées indépendamment de leur valeur adaptative&lt;/h2&gt;&lt;h2&gt;2. Les variations sont engendrées selon une large gamme de variations&lt;/h2&gt;&lt;h2&gt;3. Les variations sont engendrées de façon aléatoire&lt;/h2&gt;&lt;h2&gt;Pourquoi l’adaptation ou la sélection naturelle peuvent être des concepts clefs dans la conception de l’évolution des espèces&lt;/h2&gt;&lt;h2&gt;Et pourquoi elles ne le peuvent dans la conception de l’évolution des sociétés&lt;/h2&gt;&lt;h1&gt;III. Quelques autres grandes particularités de l’évolution sociale qui font que les modèles biologiques ne peuvent s’y appliquer&lt;/h1&gt;&lt;h2&gt;Les changements sociaux mettent toujours en jeu la volonté&lt;/h2&gt;&lt;h2&gt;L’homme est capable de corriger lui-même les conduites et les formes sociales les moins bien adaptées&lt;/h2&gt;&lt;h2&gt;Les peuples  n’attendent  pas d’être éliminés&lt;/h2&gt;&lt;h2&gt;Il existe des tendances à très court terme dans l’évolution des sociétés qui ne peuvent être expliquées par aucun phénomène adaptatif&lt;/h2&gt;&lt;h2&gt;L’évolution sociale et culturelle fait apparaître des phénomènes de convergence synchrone&lt;/h2&gt;&lt;h2&gt;Dans le monde social, les caractères acquis sont transmissibles&lt;/h2&gt;&lt;h2&gt;Il n’y a rien dans le monde social qui ressemble à la dualité entre une cause interne comme les mutations en biologie et une autre, externe, comme l’adaptation&lt;/h2&gt;&lt;h1&gt;IV. Parenthèse historique : du paradoxe de vouloir appliquer le modèle darwinien à l’évolution des sociétés&lt;/h1&gt;&lt;h1&gt;V. Incertitude et absurdité des modèles d’inspiration biologique actuellement proposés pour l’évolution culturelle ou sociale&lt;/h1&gt;&lt;h2&gt;Incertitude du terme « culture » chez les tenants des modèles biologiques : le fait que les Français mangent les cuisses de grenouille fait-il oui ou non  partie de leur culture ?&lt;/h2&gt;&lt;h2&gt;Incertitude du terme « adaptation » chez les tenants des modèles biologiques : les Français qui mangent les cuisses de grenouille sont-ils mieux adaptés que si, comme les Anglais, ils ne les mangeaient pas ?&lt;/h2&gt;&lt;h2&gt;Transmission génétique et transmission des connaissances : un parallèle abusif&lt;/h2&gt;&lt;h2&gt;L’acceptation des idées dans un groupe peut-elle être comparée à la sélection naturelle ?&lt;/h2&gt;&lt;h1&gt;Conclusion : hier, l’animal-machine, aujourd’hui, l’ADN culturel&lt;/h1&gt;"/> <link title="schema(PRISM)" rel="schema.prism" href="http://prismstandard.org/namespaces/basic/2.0/"/> <meta name="prism.url" content="http://journals.openedition.org/pm/599"/> <meta name="prism.publicationName" content="Préhistoires Méditerranéennes"/> <meta name="prism.number" content="2"/> <meta name="prism.issueName" content="Varia "/> <meta name="prism.publicationDate" content="2011-12-30T00:00:00+01:00"/> <meta name="prism.issn" content="2118-8211"/> <meta name="prism.eIssn" content="2105-2565"/> <meta name="prism.teaser" content="Depuis trente ans ou plus, la biologie, par l’intermédiaire de certains de ses représentants ou de quelques autres qui, sans appartenir à cette discipline, s’en inspirent, tente d’étendre son emprise sur les sciences sociales. C’était hier la sociobiologie qui prétendait rendre compte des comportements sociaux par des déterminations biologiques, qui donna lieu à force débats et à quelques réfutations en bonne et due forme. L’inspiration est aujourd’hui sensiblement différente. Ce sont des con..."/> <meta name="twitter:card" content="summary" /> <meta property="og:type" content="article" /> <meta name="twitter:site" content="@OpenEditionActu" /> <meta property="og:url" content="http://journals.openedition.org/pm/599" /> <meta property="og:title" content="Les modèles biologiques sont-ils utiles pour penser l’évolution des..." /> <meta property="og:description" content="Depuis trente ans ou plus, la biologie, par l’intermédiaire de certains de ses représentants ou de quelques autres qui, sans appartenir à cette discipline, s’en inspirent, tente d’étendre son empri..." /> <meta property="og:image" content="https://www.openedition.org/docannexe/image/2792/pm_160x75.png" /> <link rel="alternate" type="application/rss+xml" title="Préhistoires Méditerranéennes, Numéros" href="backend?format=rssnumeros" /> <link rel="alternate" type="application/rss+xml" title="Préhistoires Méditerranéennes, Documents" href="backend?format=rssdocuments" /> <link rel="stylesheet" type="text/css" href="css/common.css" media="screen" /> <link rel="stylesheet" type="text/css" href="css/base.css" media="screen" /> <link rel="stylesheet" type="text/css" href="https://static.openedition.org/openbarre_/styles/main.css?date=2020-09-01" /> <link rel="stylesheet" type="text/css" href="css/print.css" media="print" /> <!--[if IE]> <link rel="stylesheet" type="text/css" href="css/ie.css" media="screen" /> <![endif]--> <link rel="stylesheet" type="text/css" href="css/bibliographie.css" media="screen" /> <link rel="stylesheet" type="text/css" href="js/fancybox/jquery.fancybox-1.3.1.css" media="screen" /> <link rel="stylesheet" type="text/css" href="css/image.css" media="screen" /> </head> <body id="article-599" class="textes article ltr"> <div id="access"><a href="#nav">Navigation</a>&#160;&#8211; <a href="http://journals.openedition.org/pm/?page=map">Plan du site</a></div><!-- #access --> <div id="outerHeader"> <div id="header"> <h1 id="siteName" class="ltr"> <a title="Accueil" href="http://journals.openedition.org/pm"><span>Préhistoires Méditerranéennes</span><img src="custom/sitename.png" alt="Préhistoires Méditerranéennes" /></a> </h1> </div><!-- #header --> </div> <div id="ob-breadcrumb" class="ob-breadcrumb-wwwrevuesorg"> <p class="container"><a class="home" href="index.html">Accueil</a><a href="55">Nouvelle série</a><a href="560">2</a><strong class="current">Les modèles biologiques sont-ils ...</strong></p> </div><!-- #breadcrumb --> <div id="outerWrapper"> <div id="wrapper"> <div id="toolbox"> <form id="search" action="https://search.openedition.org/results" method="get"> <p> <input type="text" id="q" name="q" value="Recherche" /> <input name="s" type="hidden" value="Préhistoires méditerranéennes" /> <input name="pf" type="hidden" value="OJ" /> <button type="submit" title="Chercher">Chercher</button> </p> </form> </div> <div id="content"> <div id="main"> <div class="navEntities top"><a rev="contents" class="goContents" href="560" title="2 | 2011 Varia ">Sommaire</a><span class="separator"> - </span><a rev="prev" class="goPrev" href="581" title="Caractérisation chronoculturelle du mobilier funéraire en Provence au Néolithique final et au Bronze ancien">Document précédent</a><span class="separator"> - </span><a rel="next" class="goNext" href="601" title="Le Sud-Est de la France entre 4400 et 3400 avant notre ère. Sériation céramique et outillage lithique">Document suivant</a></div><!-- .navEntities top --> <div id="docHeader"> <div id="docTopParent" class="numero parent-1"><a href="560"><span class="number">2<span class="period">&nbsp;|&nbsp;2011</span></span><br /><span class="title" dir="ltr">Varia&nbsp;</span></a></div> <h1 id="docTitle" class="directionltr"><span class="text">Les modèles biologiques sont-ils utiles pour penser l’évolution des sociétés<a class="endnotecall" id="bodyftn1" href="#ftn1">i</a> ?</span></h1> <div id="docAltertitle" class="directionltr"> <div lang="en">Are biological models useful for theorizing social and cultural evolution?</div> </div> <div id="docContributors"> <div id="docAuthor"> <strong>Alain <span class="familyName">Testart</span></strong></div> </div> <div id="doi"><a href="https://doi.org/10.4000/pm.599 ">https://doi.org/10.4000/pm.599</a></div> </div><!-- #docHeader --> <div id="docBody"> <div id="shortcuts"><a href="#abstract">Résumé</a>&nbsp;| <a href="#entries">Index</a>&nbsp;| <a href="#toc">Plan</a>&nbsp;| <a href="#text">Texte</a>&nbsp;| <a href="#bibliography">Bibliographie</a>&nbsp;| <a href="#annexe">Annexe</a>&nbsp;| <a href="#notes">Notes</a>&nbsp;| <a href="#quotation">Citation</a>&nbsp;| <a href="#authors">Auteur</a></div> <div id="abstract" class="section"> <h2 class="section"><span class="text">Résumés</span></h2> <div class="tabMenu"><a href="#abstract-599-fr" hreflang="fr" class="active">Français</a>&#32;<a href="#abstract-599-en" hreflang="en">English</a>&#32;</div> <div id="abstract-599-fr" class="tabContent ltr" lang="fr" xml:lang="fr"> <p class="resume" dir="ltr">L’article se veut une critique systématique de quelques tentatives de transposition (Luca Cavalli-Sforza, Pascal Jouxtel) du modèle « néo-darwinien » aux faits sociaux ou culturels. Sa thèse principale est que l’explication darwinienne n’est épistémologiquement valide que moyennant certaines conditions assez restrictives : les variations doivent être engendrées 1° indépendamment de leur valeur adaptative, 2° selon une large gamme de variations et 3° de façon aléatoire (du moins, sans prévisibilé). Sinon ce serait ce processus d’engendrement qui déterminerait l’essentiel de l’évolution, et la sélection naturelle n’aurait plus qu’un rôle modique à jouer. Les mutations génétiques obéissent à ces conditions, ce qui fait du modèle darwinien un bon modèle pour penser l’évolution biologique. Mais les innovations sociales n’obéissent à aucune d’entre elles, ce qui rend la transposition au monde social absurde. La suite de l’article met en évidence quelques particularités de l’évolution des sociétés, très différentes de l’évolution des espèces.</p> </div> <div id="abstract-599-en" class="tabContent hidden ltr" lang="en" xml:lang="en"> <p class="abstract" dir="ltr">The article systematically criticizes a number of attempts (Luca Cavalli-Sforza, Pascal Jouxtel) to apply the “neo-Darwinian” model to social and cultural facts. The main argument herein is that the Darwinian explanation may be recognized as epistemologically acceptable only under specific limiting conditions: variations are to be generated first irrespective of their adaptative value, second within a large range of variations and third at random (at least, without predictability). Otherwise such generating process would determine the fundamental evolution trends, and natural selection would be left to play a limited role. Gene mutations comply with these conditions, which is why the Darwinian model is suitable for theorizing biological evolution. However, social innovations do not follow any of these conditions and therefore transposing this model into the social arena would prove meaningless. The second part of the article highlights some distinctive features of social evolution, as opposed to biological evolution.</p> </div><a class="go-top" href="#article-599">Haut de page</a></div><!-- #abstract --> <div id="entries" class="section"> <h2 class="section"><span class="text">Entrées d’index</span></h2> <div class="index ltr"> <h3>Mots-clés&#160;:&#32;</h3><a href="611">biologie</a>, <a href="616">culture</a>, <a href="612">darwinien (ou Darwin)</a>, <a href="614">épistémologie</a>, <a href="610">Évolution sociale</a>, <a href="613">modèle</a>, <a href="615">sociétés</a></div> <div class="index ltr"> <h3>Keywords:&#32;</h3><a href="618">biology</a>, <a href="623">culture</a>, <a href="619">Darwinian (or Darwin)</a>, <a href="621">epistemology</a>, <a href="620">model</a>, <a href="617">Social evolution</a>, <a href="622">society</a></div><a class="go-top" href="#article-599">Haut de page</a></div><!-- #entries --> <div id="toc" class="section"> <h2 class="section directionltr"><span class="text">Plan</span></h2> <div class="tocSection1"><a href="#tocto1n1" id="tocfrom1n1">I. L’adaptation : que l’universalité d’un concept ne veut pas dire sa pertinence</a></div> <div class="tocSection1"><a href="#tocto1n2" id="tocfrom1n2">II. La sélection naturelle : ce qui en fait un concept clef pour la conception de l’évolution biologique, et pourquoi elle ne saurait l’être pour la conception de l’évolution des sociétés</a></div> <div class="tocSection2"><a href="#tocto2n1" id="tocfrom2n1">Le problème épistémologique</a></div> <div class="tocSection2"><a href="#tocto2n2" id="tocfrom2n2">1. Les variations doivent être engendrées indépendamment de leur valeur adaptative</a></div> <div class="tocSection2"><a href="#tocto2n3" id="tocfrom2n3">2. Les variations sont engendrées selon une large gamme de variations</a></div> <div class="tocSection2"><a href="#tocto2n4" id="tocfrom2n4">3. Les variations sont engendrées de façon aléatoire</a></div> <div class="tocSection2"><a href="#tocto2n5" id="tocfrom2n5">Pourquoi l’adaptation ou la sélection naturelle peuvent être des concepts clefs dans la conception de l’évolution des espèces</a></div> <div class="tocSection2"><a href="#tocto2n6" id="tocfrom2n6">Et pourquoi elles ne le peuvent dans la conception de l’évolution des sociétés</a></div> <div class="tocSection1"><a href="#tocto1n3" id="tocfrom1n3">III. Quelques autres grandes particularités de l’évolution sociale qui font que les modèles biologiques ne peuvent s’y appliquer</a></div> <div class="tocSection2"><a href="#tocto2n7" id="tocfrom2n7">Les changements sociaux mettent toujours en jeu la volonté</a></div> <div class="tocSection2"><a href="#tocto2n8" id="tocfrom2n8">L’homme est capable de corriger lui-même les conduites et les formes sociales les moins bien adaptées</a></div> <div class="tocSection2"><a href="#tocto2n9" id="tocfrom2n9">Les peuples  n’attendent  pas d’être éliminés</a></div> <div class="tocSection2"><a href="#tocto2n10" id="tocfrom2n10">Il existe des tendances à très court terme dans l’évolution des sociétés qui ne peuvent être expliquées par aucun phénomène adaptatif</a></div> <div class="tocSection2"><a href="#tocto2n11" id="tocfrom2n11">L’évolution sociale et culturelle fait apparaître des phénomènes de convergence synchrone</a></div> <div class="tocSection2"><a href="#tocto2n12" id="tocfrom2n12">Dans le monde social, les caractères acquis sont transmissibles</a></div> <div class="tocSection2"><a href="#tocto2n13" id="tocfrom2n13">Il n’y a rien dans le monde social qui ressemble à la dualité entre une cause interne comme les mutations en biologie et une autre, externe, comme l’adaptation</a></div> <div class="tocSection1"><a href="#tocto1n4" id="tocfrom1n4">IV. Parenthèse historique : du paradoxe de vouloir appliquer le modèle darwinien à l’évolution des sociétés</a></div> <div class="tocSection1"><a href="#tocto1n5" id="tocfrom1n5">V. Incertitude et absurdité des modèles d’inspiration biologique actuellement proposés pour l’évolution culturelle ou sociale</a></div> <div class="tocSection2"><a href="#tocto2n14" id="tocfrom2n14">Incertitude du terme « culture » chez les tenants des modèles biologiques : le fait que les Français mangent les cuisses de grenouille fait-il oui ou non  partie de leur culture ?</a></div> <div class="tocSection2"><a href="#tocto2n15" id="tocfrom2n15">Incertitude du terme « adaptation » chez les tenants des modèles biologiques : les Français qui mangent les cuisses de grenouille sont-ils mieux adaptés que si, comme les Anglais, ils ne les mangeaient pas ?</a></div> <div class="tocSection2"><a href="#tocto2n16" id="tocfrom2n16">Transmission génétique et transmission des connaissances : un parallèle abusif</a></div> <div class="tocSection2"><a href="#tocto2n17" id="tocfrom2n17">L’acceptation des idées dans un groupe peut-elle être comparée à la sélection naturelle ?</a></div> <div class="tocSection1"><a href="#tocto1n6" id="tocfrom1n6">Conclusion : hier, l’animal-machine, aujourd’hui, l’ADN culturel</a></div><a class="go-top" href="#article-599">Haut de page</a></div><!-- #toc --> <div id="text" class="section ltr"> <h2 class="section"><span class="text">Texte intégral</span></h2> <div id="widgets" class="withTextSize"><a id="wDownload" href="./pdf/599" title="Télécharger au format PDF" class="facsimile"><span class="fileinfo">PDF 817k</span></a>&#32;<a id="wSend" href="mailto:?subject=Les%20mod%C3%A8les%20biologiques%20sont-ils%20utiles%20pour%20penser%20l%E2%80%99%C3%A9volution%20des%20soci%C3%A9t%C3%A9s%C2%A0%3F&amp;body=Les%20mod%C3%A8les%20biologiques%20sont-ils%20utiles%20pour%20penser%20l%E2%80%99%C3%A9volution%20des%20soci%C3%A9t%C3%A9s%C2%A0%3F%20%0APr%C3%A9histoires%20M%C3%A9diterran%C3%A9ennes%20%0Ahttp%3A%2F%2Fjournals.openedition.org%2Fpm%2F599%20%0A%0AL%E2%80%99article%20se%20veut%20une%20critique%20syst%C3%A9matique%20de%20quelques%20tentatives%20de%20transposition%20%28Luca%20Cavalli-Sforza%2C%20Pascal%20Jouxtel%29%20du%20mod%C3%A8le%20%C2%AB%C2%A0n%C3%A9o-darwinien%C2%A0%C2%BB%20aux%20faits%20sociaux%20ou%20culturels.%20Sa%20th%C3%A8se%20principale%20est%20que%20l%E2%80%99explication%20darwinienne%20n%E2%80%99est%20%C3%A9pist%C3%A9mologiquement%20valide%20que%20moyennant%20certaines%20conditions%20assez%20restrictives%C2%A0%3A%20les%20variations%20doivent%20%C3%AAtre%20engendr%C3%A9es%201%C2%B0%20ind%C3%A9pendamment%20de%20leur%20valeur%20adaptative%2C%202%C2%B0%20selon%20une%20large%20gamme%20de%20variations%20et%203%C2%B0%20de%20fa%C3%A7on%20al%C3%A9atoire%20%28du%20moins%2C%20sans%20pr%C3%A9visib...%20%0A%0AAlain%20Testart%2C%20%C2%AB%20Les%20mod%C3%A8les%20biologiques%20sont-ils%20utiles%20pour%20penser%20l%E2%80%99%C3%A9volution%20des%20soci%C3%A9t%C3%A9s%C2%A0%3F%20%C2%BB%2C%20%20Pr%C3%A9histoires%20M%C3%A9diterran%C3%A9ennes%20%5BEn%20ligne%5D%2C%202%20%7C%202011%2C%20mis%20en%20ligne%20le%2018%20avril%202012%2C%20consult%C3%A9%20le%2023%20novembre%202024.%20URL%20%3A%20http%3A%2F%2Fjournals.openedition.org%2Fpm%2F599%20%3B%20DOI%20%3A%2010.4000%2Fpm.599%20%0A%0A" title="Partager par e-mail">Partager par e-mail</a></div><!-- #widgets --> <div class="text wResizable "> <div class="textandnotes"> <ul class="sidenotes"> <li><span class="num"></span></li> </ul> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">1</span>Depuis trente ans ou plus, la biologie, par l’intermédiaire de certains de ses représentants ou de quelques autres qui, sans appartenir à cette discipline, s’en inspirent, tente d’étendre son emprise sur les sciences sociales. C’était hier la sociobiologie qui prétendait rendre compte des comportements sociaux par des déterminations biologiques, qui donna lieu à force débats et à quelques réfutations en bonne et due forme. L’inspiration est aujourd’hui sensiblement différente. Ce sont des concepts, des modes de pensée et des modèles empruntés aux sciences biologiques que l’on propose aux sciences sociales. Et c’est surtout un modèle que l’on appellera « néo-darwinien » ou seulement inspiré de Darwin que l’on prétend étendre à l’évolution des sociétés. Un généticien de renom, Cavalli-Sforza, dans une interview de décembre 2005 (Cavalli-Sforza2005a), ne disait-il pas qu’il avait depuis un certain temps attiré l’attention des anthropologues sur certaines de ces idées, mais s’étonnait, se plaignait – sinon se scandalisait – de n’avoir pas été entendu. C’est peut-être que les chercheurs en sciences sociales trouvent assez peu séduisants les modèles issus des sciences biologiques. Un sentiment sans doute encore assez vague, une réticence ou peut-être une sage prudence, les laisse froids devant des schèmes de pensée étrangers à leurs disciplines, d’autant plus qu’ils sont parfois annoncés à grands cris comme l’aube d’une scientificité nouvelle pleine de promesses, par des gens au surcroît qui ne connaissent ni ne veulent rien connaître des problématiques ni des modes de pensée propres aux sciences sociales. C’est ce sentiment que je veux expliciter et justifier ici.</p> </div> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">2</span>Tous ces modèles reposent sur une triple analogie, entre 1° la mutation génétique et l’innovation sociale ou culturelle, 2° la transmission génétique et la transmission sociale ou culturelle des idées, et 3° la sélection naturelle et une sélection conçue comme à la fois naturelle et culturelle (l’adaptation étant en conséquence également celle au milieu naturel et social). Les publications, il y a quelques années, en français du livre de Cavalli-Sforza (Cavalli-Sforza 2005b) et de celui de Jouxtel (Jouxtel 2005) sur la mémétique – le « mème » étant l’analogue du gène, mutant comme lui et se reproduisant comme lui à l’identique – fournissent les occasions de cet article. Mon propos, néanmoins, se veut général.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">3</span>Pour éviter toute ambiguïté, précisons que j’entends par « sciences sociales » toutes celles qui étudient les formes de la société – tout comme la biologie étudie les formes de la vie. Selon que les sociétés appartiennent au monde contemporain ou au passé, et selon le type de documents étudiés, elles se partagent entre sociologie, histoire, ethnologie ou anthropologie sociale (laquelle est sans rapport avec l’anthropologie physique, qui appartient aux sciences biologiques), orientalisme (sinologie, assyriologie, etc.), archéologie (préhistorique ou non). Selon les secteurs de la vie sociale étudiée, elles se partagent en politologie, économie politique, droit, histoire des religions, histoire des techniques, démographie, etc. Je ne compte pas la linguistique ni la philologie comparée parmi les sciences sociales ; tout comme la sémiotique ou la sémiologie, elles constituent, par leurs traditions et leurs problématiques, un domaine bien à part. Les sciences psychologiques sont entièrement en dehors de mon propos.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">4</span>Les sciences sociales – en dehors de l’archéologie concernée par la très ancienne préhistoire avant l’apparition de l’<em>homo sapiens sapiens</em> – ne traitent que des sociétés humaines.  Ceux qui nous proposent des modèles biologiques de l’évolution des sociétés ne parlent d’ailleurs que des sociétés humaines, tout comme les sciences sociales, et ne sont pas plus concernés par l’évolution biologique de l’homme. C’est dire que la question de l’articulation entre l’évolution physique de l’homme (question traitée par la paléontologie humaine) et celle des formes sociales est en dehors de la problématique de cet article. La question posée par l’application des modèles biologiques aux sciences sociales est une question épistémologique.</p> <h1 dir="ltr" id="heading1"><a href="#tocfrom1n1" id="tocto1n1">I. L’adaptation : que l’universalité d’un concept ne veut pas dire sa pertinence</a></h1> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">5</span>Les tenants des modèles biologiques commencent invariablement par rappeler l’importance universelle de l’adaptation pour toute vie, qu’elle soit biologique ou sociale. Cette première proposition ne pose pas trop de problèmes – elle en pose, ainsi que nous le verrons plus loin, mais nous pouvons les négliger pour commencer – et on peut l’admettre en première approximation ; un système de normes sociales, par exemple, doit toujours être peu ou prou adapté, sinon il ne pourrait en aucune façon être appliqué ; de façon plus générale, toute société peut être dite plus ou moins adaptée, sinon elle n’aurait pas survécu, ou du moins pas longtemps. Mais, de cette première proposition, acceptable, ils prétendent en tirer une autre qui ne l’est pas : l’adaptation, phénomène universel, serait un des facteurs clefs de l’évolution des sociétés et donc un concept pertinent des sciences sociales.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">6</span>Voyons. L’attraction universelle (l’attraction newtonienne) est universelle. Tous les êtres vivants sur notre petite planète lui sont soumis, tous sont pesants. Cela n’en fait pas un concept clef de la biologie. Imaginez un physicien – mettons qu’il vive vers 1750, au moment où la conception newtonienne s’impose – qui dirait aux biologistes : « Ne savez-vous donc pas que l’attraction entre masses est un phénomène universel ? Vous ne pouvez le négliger ! C’est cela qu’il faut mettre au centre de vos préoccupations, et la biologie gagnerait beaucoup à en tenir compte… » Une telle apostrophe nous ferait rire. Mais c’est un peu, je crois, ce que font ceux qui s’inspirent de la biologie. Notre physicien imaginaire, néophyte et naïf comme tous les néophytes, pourrait même s’adresser pareillement aux chercheurs des sciences sociales, par exemple à Montesquieu, pour lui dire : « L’attraction est un phénomène universel, il régit tous les êtres, y compris les hommes dans la société, et vous devez en tenir compte… » Ce que je prétends montrer par ce petit exemple, est que ce n’est pas parce qu’une proposition est vraie qu’elle est intéressante. Tous les hommes d’une société sont pesants, aucun sociologue ne le niera ; mais tout le monde voit aussi que le discours du sociologue n’a que faire de cette vérité. <em>Ce n’est pas parce qu’un principe est universel qu’il est scientifiquement pertinent</em> ; il peut être pertinent dans une discipline sans l’être dans une autre.</p> <h1 dir="ltr" id="heading2"><a href="#tocfrom1n2" id="tocto1n2">II. La sélection naturelle : ce qui en fait un concept clef pour la conception de l’évolution biologique, et pourquoi elle ne saurait l’être pour la conception de l’évolution des sociétés</a></h1> <h2 dir="ltr" id="heading3"><a href="#tocfrom2n1" id="tocto2n1">Le problème épistémologique</a></h2> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">7</span>Quoique l’on pense de l’adaptation, il est clair que le concept ne trouve son efficacité théorique maximale que dans sa capacité à rendre compte de l’évolution des espèces, via la sélection naturelle. Il est clair également que c’est Darwin qui a, le premier, proposé ce type d’explication. Le problème posé par les tenants de modèles biologiques en sciences sociales est : ce type d’explication, proposé dans les sciences biologiques, peut-il être transposé dans les sciences sociales ? Le problème est dans l’entre-deux de plusieurs disciplines. C’est pourquoi je ne vais le traiter tout d’abord ni en biologie, ni en sciences sociales, ni en toute autre discipline, mais comme un modèle général d’explication scientifique et me demander : quelles sont les conditions minimales qui font qu’un tel modèle puisse être tenu pour valide ? On pourrait encore la formuler de la façon suivante : quelles sont les conditions minimales de validité d’un modèle d’inspiration darwinienne ou darwiniste, en tout cas un modèle qui fasse jouer à l’adaptation un rôle clef pour expliquer une évolution quelle qu’elle soit ? Mon idée est que les conditions de validité d’un tel modèle sont très étroites, et que si elles correspondent à ce que l’on sait en biologie, elles ne correspondent pas du tout à ce que l’on sait en sciences sociales. Je crois d’ailleurs que c’était l’idée même de Darwin, mais, encore une fois, mon propos n’est ni de faire l’exégèse de la pensée de Darwin, ni de faire de l’histoire des sciences ou des idées, ni de faire de la biologie. Il est seulement de faire de l’épistémologie (que je vois comme une réflexion sur la validité des théories scientifiques), ou plus exactement d’ailleurs, de faire de l’épistémologie des sciences sociales.</p> <div class="textandnotes"> <ul class="sidenotes"> <li><span class="num"></span></li> </ul> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">8</span>Une des phrases les plus célèbres de Darwin permettra de situer la question, celle où ce que nous appelons « évolution » (le mot n’est pas dans Darwin) est définie comme « la filiation [<em>descent</em>] avec modification par le biais [<em>through</em>] de variations et de la sélection naturelle ». Il y a donc deux phénomènes à l’origine du fait de la « modification » au cours de la filiation : la sélection naturelle et un autre qui génère des variations. Il en va nécessairement ainsi puisque la sélection naturelle ne crée pas de variabilité ; bien plutôt, elle réduit l’extension des variations, se bornant à faire, parmi elles, le tri – ce qui lui donne d’ailleurs son nom : elle « sélectionne ». La sélection naturelle suppose des variations créées par autre chose qu’elle-même, et avant même son action : c’est ce quelque chose que je vais appeler « le fait générateur de variations ». Dans toute évolution que l’on peut être tenté de penser sur le modèle de Darwin, qu’elle soit des espèces, des sociétés, des langues, ou de n’importe quoi, il y a donc trois éléments. Peut-être est-ce important de le remarquer, parce que beaucoup tendent à ne retenir de Darwin que la seule adaptation ou la sélection naturelle. Ces trois éléments sont :<br />1. la filiation, idée qu’il faut nécessairement généraliser en « reproduction » si l’on veut transposer ailleurs qu’en biologie, car il n’existe pas de sociétés « mères » ni de sociétés « filles », ni de langues<a class="endnotecall" id="bodyftn2" href="#ftn2">ii</a> « mères » ou « filles », ni même de populations « mères » ou « filles » : l’univers social, linguistique ou démographique n’est pas, à la différence de l’univers biologique, segmenté en unités séparées dont l’une pourrait être dite « mère » et une autre « fille » ;<br />2. le fait générateur de variations, qui génère donc des formes nouvelles à partir de formes anciennes, qui engendre de la variabilité ;<br />3. la sélection des mieux adaptés, sélection « naturelle » dans le cas biologique, et sélection qui n’est pas seulement naturelle dans le cas social, puisque les agents sociaux sont eux-mêmes capables de modifier les institutions et les structures sociales dans lesquelles ils se trouvent.</p> </div> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">9</span>Nonobstant les différences importantes entre les registres (qui ne sont pas sans poser des problèmes), laissant de côté la question de la nature exacte du troisième élément (avec son problème majeur de la différence entre une sélection naturelle et une sélection artificielle), je ne vais m’intéresser qu’au seul rapport entre le troisième et le deuxième élément. Je crois en effet que l’on ne peut faire jouer un rôle clef à la sélection naturelle qu’en raison de certaines caractéristiques attenantes au fait générateur de variations. On sait aujourd’hui en biologie que ce fait générateur, sur lequel Darwin n’avait aucune idée, sauf qu’il était nécessaire à sa théorie, est constitué par les mutations dans le matériel génétique. Mais la question que je pose étant générale (puisqu’il s’agit de savoir si l’on peut transposer ces données ailleurs qu’en biologie), je vais évidemment traiter cette question en toute généralité. Je vais tout aussi évidemment admettre, comme le font les tenants des modèles biologiques, et même si je ne crois pas à la validité de cette transposition, que le fait générateur de variations dans le monde social, c’est l’innovation, technique ou institutionnelle. Le jeu auquel je convie le lecteur est donc ce que l’on appelle, en mathématiques ou en logique, mais aussi en rhétorique, un raisonnement par réduction à l’absurde (dit en abrégé, ce qui n’est pas sans générer des contresens : raisonnement par l’absurde). Il consiste à admettre ce que disent les adversaires pour montrer que cela aboutit à une absurdité et donc, pour mieux les réfuter.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">10</span>La question que je pose est : quelles doivent être les caractéristiques du fait générateur de variations pour que l’adaptation ou la sélection naturelle puisse être considérée comme un phénomène clef dans une évolution ?</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">11</span>Ces caractéristiques – qui sont donc les conditions épistémologiques de validité du modèle darwinien – me semblent être au nombre de trois.</p> <h2 dir="ltr" id="heading4"><a href="#tocfrom2n2" id="tocto2n2">1. Les variations doivent être engendrées indépendamment de leur valeur adaptative</a></h2> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">12</span>C’est évident, puisque si le fait générateur de variations n’engendrait comme nouveautés que des formes bien adaptées, il jouerait le rôle de la sélection naturelle. Dans tout modèle inspiré de Darwin, il faut nécessairement supposer que le fait générateur de variations est indépendant de la sélection naturelle. Il faut en d’autres termes supposer que ce fait ne crée pas des formes préadaptées.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">13</span>On peut illustrer ce raisonnement au moyen d’un petit schéma (fig.1) récapitulant le mécanisme d’ensemble de la théorie darwinienne ou post-darwinienne de l’évolution biologique. A partir d’une espèce (ou variété) n° 1, se produisent un ensemble de mutations (peu importe pour notre propos actuel qu’elles soient simultanées ou pas) que nous représentons par un arbre ramifié, l’espèce 1 non affectée par des mutations génétiques continuant sur sa lancée en ligne droite (verticale sur la figure).</p> <div class="textIcon"> <p class="titreillustration" dir="ltr">1. Mécanisme d’ensemble de la théorie darwinienne ou néo-darwinienne / The Darwinian or neo Darwinian explanation</p><a href="docannexe/image/599/img-1-small580.jpg" rel="iconSet"><img src="docannexe/image/599/img-1-small480.jpg" alt="1. Mécanisme d’ensemble de la théorie darwinienne ou néo-darwinienne / The Darwinian or neo Darwinian explanation" /></a><div class="textIconAccess"><a rel="nofollow" class="iconZoom" href="docannexe/image/599/img-1-small580.jpg">Agrandir</a> <a rel="nofollow" class="iconOrig" href="docannexe/image/599/img-1.jpg">Original (jpeg, 92k)</a></div> <p class="legendeillustration" dir="ltr">Sous la barre horizontale, le fait générateur de variations engendre une dispersion à partir de l’espèce n° 1 ; au-dessus de la barre, la sélection naturelle élimine les variétés les moins adaptées pour ne laisser que la mieux adaptée, sélectionnant la variété ou espèce n° 2 / Below the horizontal line, the process producing variations creates a range of different varieties out of a first species (1); natural selection weeds out the less fitted and selects the fittest variety or species (2)</p> </div> <div class="textandnotes"> <ul class="sidenotes"> <li><span class="num"></span></li> </ul> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">14</span>Ici, comme dans la suite, nous supposons un milieu déterminé, qui ne varie pas au cours du temps. Comme ce premier processus est totalement indépendant de la valeur adaptative des mutés, la plupart de ceux-ci sont éliminés très rapidement parce que non viables<a class="endnotecall" id="bodyftn3" href="#ftn3">iii</a> : c’est la première action de la sélection naturelle (petit segment de droite inclinée sur la figure). L’espèce 1 survit, mais elle ne le fait qu’à côté des individus mutés viables, qui se reproduisent et se multiplient, formant de nouvelles espèces (ou variétés) ; elle est finalement éliminée si l’une des nouvelles se trouve avoir une meilleure valeur adaptative – l’espèce n° 2 sur notre figure. C’est sa seconde action. Quels sont dans l’ensemble de ce mécanisme les rôles respectifs des deux processus, de la mutation et de la sélection naturelle ? La mutation n’a fait qu’engendrer un éventail large de formes dont la plupart n’étaient pas viables ; cette palette de variations n’aboutit, pour la plupart des variations, à rien et ne dure d’ailleurs qu’un instant ; elle ne définit en aucune façon le cours de l’évolution, c’est-à-dire le passage de l’espèce 1 à l’espèce 2 (flèche en trait gras, fig. 2). C’est la sélection naturelle qui le fait. Elle définit ce cours, cette « orientation » de l’évolution, d’une double façon. D’abord, en éliminant rapidement la plupart des variations issues de la mutation, les non viables. Ensuite, en orientant les autres vers la solution finale (le pentagone irrégulier hachuré de la figure 2 qui récapitule cette seconde action de la sélection naturelle et oriente l’évolution dans le sens de la succession entre l’espèce 1 et l’espèce 2). <em>Les mutations sont indispensables à l’évolution, mais n’ont fait que créer de la dispersion ; la sélection naturelle définit son orientation</em>. Comme le dit Ernst Mayr (1987 : 21), « c’est dans ce deuxième temps [celui de la sélection naturelle] que l’évolution trouve son orientation ».</p> </div> <p class="texte" style="font-family:Arial, sans-serif;font-size:11pt;color:#777777;" dir="ltr"><span class="paranumber">15</span><strong></strong></p> <div class="textIcon"><strong></strong><p class="titreillustration" dir="ltr"><strong>2. Récapitulatif de l’explication / Explanation summary</strong></p><strong><a href="docannexe/image/599/img-2-small580.jpg" rel="iconSet"><img src="docannexe/image/599/img-2-small480.jpg" alt="2. Récapitulatif de l’explication / Explanation summary" /></a></strong><div class="textIconAccess"><strong><a rel="nofollow" class="iconZoom" href="docannexe/image/599/img-2-small580.jpg">Agrandir</a> <a rel="nofollow" class="iconOrig" href="docannexe/image/599/img-2.jpg">Original (jpeg, 140k)</a></strong></div><strong></strong><p class="legendeillustration" dir="ltr"><strong>La flèche en trait gras (allant de l’espèce ou variété n° 1 à la n° 2) résulte de la double action de la sélection naturelle, élimination des variétés non viables, sélection de la plus adaptée / bold line arrow (from 1 to 2 variety) is the result of the natural selection which first eliminates unsustainable varieties, then selects the fittest</strong></p><strong></strong></div><strong></strong><p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">16</span>Dans cette affaire, c’est la sélection naturelle qui est clef <em>parce que le premier processus se fait indépendamment de toute considération de la valeur adaptative des formes créées</em>. Pour le comprendre, il suffit de faire un raisonnement par l’absurde. Si, en effet, le premier processus ne créait que des formes viables, il aurait déjà défini <em>en grande partie</em> le cours de l’évolution, il l’aurait orienté de façon décisive (fig. 3 où l’on voit le rôle de la sélection naturelle se réduit à choisir parmi les formes viables engendrée par le premier processus).</p> <div class="textIcon"><a href="docannexe/image/599/img-3-small580.jpg" rel="iconSet"><img src="docannexe/image/599/img-3-small480.jpg" alt="" /></a><div class="textIconAccess"><a rel="nofollow" class="iconZoom" href="docannexe/image/599/img-3-small580.jpg">Agrandir</a> <a rel="nofollow" class="iconOrig" href="docannexe/image/599/img-3.jpg">Original (jpeg, 108k)</a></div> </div> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">17</span>Si, au surplus, le premier processus ne créait, en plus de celle déjà existante, que la forme la mieux adaptée, on pourrait même dire que c’est lui qui aurait déterminé le cours de l’évolution dans sa totalité, la disparition de l’espèce 1 étant pour ainsi dire inscrite comme une nécessité prévisible dès la mutation qui engendre l’espèce 2 (fig. 4).</p> <div class="textIcon"> <p class="titreillustration" dir="ltr">4. Schéma montrant comment le fait générateur de variations déterminerait complètement l’évolution s’il n’engendrait que la variété la plus adaptée / Theoretical diagram showing how the process producing variations would entirely determine the course of evolution in the event that only the fittest variety would stem from such process</p><a href="docannexe/image/599/img-4-small580.jpg" rel="iconSet"><img src="docannexe/image/599/img-4-small480.jpg" alt="4. Schéma montrant comment le fait générateur de variations déterminerait complètement l’évolution s’il n’engendrait que la variété la plus adaptée / Theoretical diagram showing how the process producing variations would entirely determine the course of evolution in the event that only the fittest variety would stem from such process" /></a><div class="textIconAccess"><a rel="nofollow" class="iconZoom" href="docannexe/image/599/img-4-small580.jpg">Agrandir</a> <a rel="nofollow" class="iconOrig" href="docannexe/image/599/img-4.jpg">Original (jpeg, 48k)</a></div> </div> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">18</span>En d’autres termes, <em>si le premier processus, la mutation, incluait des considérations sur la valeur adaptative des formes qu’il engendre, les futures espèces seraient comme présélectionnées par ce premier processus, et la sélection naturelle n’aurait qu’un rôle très accessoire, de confirmation ou d’ajustement</em>.</p> <h2 dir="ltr" id="heading5"><a href="#tocfrom2n3" id="tocto2n3">2. Les variations sont engendrées selon une large gamme de variations</a></h2> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">19</span>Peut-être faut-il souligner d’entrée de jeu ce que signifie l’idée de cette large gamme de variations, autrement dit cette variabilité : non pas seulement que le premier processus (le fait générateur de variations, <em>alias</em> la mutation) peut affecter une multitude d’attributs (de caractéristiques) dans l’être vivant – ce qui est évident –, mais surtout, et avant tout, que <em>relativement à un seul attribut</em>, cette variabilité est déjà quasi-infinie. Par exemple, pour un canard, relativement aux plumes, la mutation peut affecter la couleur, la présence ou l’absence de plumes, ou son remplacement par des écailles, des poils, etc. En raison de l’ampleur de cette variabilité, l’opération de tri que la sélection naturelle effectue est très importante.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">20</span>Mais si les mutations n’étaient pas aléatoires, si l’on savait qu’elles ne pouvaient engendrer que deux ou trois possibles seulement, ce tri serait beaucoup moins important. Les figures précédentes illustrent ce point. Chaque fois que la variabilité engendrée par le premier processus est faible (<em>supra</em>, fig. 3 et 4), l’essentiel de l’orientation de l’évolution est alors donné par lui, par rapport auquel la sélection naturelle a encore un rôle à jouer, mais secondaire, parce qu’elle se borne à trier dans un échantillon déjà restreint. </p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">21</span>Ainsi donc, <em>si le premier processus, la mutation, ne créait pas une large gamme de variations, il déterminerait le cours de l’évolution dans ses grandes lignes, la sélection naturelle se bornant à éliminer les formes les moins viables</em>.</p> <h2 dir="ltr" id="heading6"><a href="#tocfrom2n4" id="tocto2n4">3. Les variations sont engendrées de façon aléatoire</a></h2> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">22</span>La notion d’aléatoire est une notion difficile, et je ne la prendrai ici qu’au sens épistémique, ce qui veut donc dire : à partir d’une situation donnée, on ne peut pas (on ne sait pas) prévoir quelle va être la situation suivante.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">23</span>Si le fait générateur de variations générait ces variations de façon strictement déterministe (notion que je prends évidemment dans un sens tout aussi épistémique), à partir d’une forme 1, il n’engendrerait qu’une seule forme nouvelle (fig. 4) et ce cas nous ramène au cas précédent : faute de variabilité, la sélection naturelle n’aurait plus aucun rôle à jouer.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">24</span>Si le fait générateur générait les variations selon une loi de probabilité marquée par un biais (au sens statistique) systématique dans un certain sens, la sélection naturelle n’aurait plus qu’un rôle très secondaire à jouer. Par exemple, si le fait générateur ne générait que des formes droites (et pas gauches), régulières (et pas irrégulières), etc., c’est lui qui dessinerait, au moins pour la moitié, les lignes possibles de toute évolution future (puisqu’il prohibe la moitié des possibles). <em>C’est seulement dans les cas où les variations sont engendrées par </em><em>le premier processus, la mutation, </em><em>de façon aléatoire sans biais systématique, soit distribution normale (au sens statistique), soit distribution uniforme (au hasard), que la sélection naturelle peut jouer un rôle clef</em>.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">25</span>N.B. Il est clair que les trois conditions ci-dessus énoncées ne sont pas indépendantes. Le deuxième, par exemple, implique la troisième – sans que la réciproque soit vraie : pour que la gamme de variations soit large, faut l’absence de déterminisme, l’aléatoire, mais l’aléatoire n’implique pas l’existence d’une large gamme de variations. En dépit d’une certaine redondance que je reconnais dans les arguments précédents, il m’a néanmoins paru utile de les expliciter tous.</p> <h2 dir="ltr" id="heading7"><a href="#tocfrom2n5" id="tocto2n5">Pourquoi l’adaptation ou la sélection naturelle peuvent être des concepts clefs dans la conception de l’évolution des espèces</a></h2> <div class="textandnotes"> <ul class="sidenotes"> <li><span class="num"></span></li> <li><span class="num"></span></li> </ul> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">26</span>Autant que je puisse en juger, les trois caractéristiques que je viens de donner sont celles que l’on reconnaît aujourd’hui au fait générateur de variations dans les sciences biologiques, c’est-à-dire aux mutations génétiques. Ce sont également, je crois, celles mêmes que reconnaissait Darwin à ce fait, même s’il n’avait pas idée de sa nature. Soit, pour expliciter :<br />1. Les mutations sont indépendantes<a class="endnotecall" id="bodyftn4" href="#ftn4">iv</a> de la sélection naturelle, autrement dit les formes issues des mutations ne sont pas préadaptées ; en particulier, les mutations peuvent engendrer des formes non viables (sur ce dernier point, voir <em>supra</em> note iii) ;<br />2. les mutations peuvent affecter un très grand nombre de caractères de l’être vivant et les affectent selon une large palette de variations possibles<a class="endnotecall" id="bodyftn5" href="#ftn5">v</a> ;<br />3. les mutations se produisent de façon aléatoire, c’est-à-dire sans que l’on puisse (ou sache), dans l’état actuel de nos connaissances, les prévoir.</p> </div> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">27</span>Ce sont ces trois conditions qui font que la sélection naturelle définit l’orientation générale de l’évolution. Ce sont ces trois conditions qui en font un concept clef.</p> <h2 dir="ltr" id="heading8"><a href="#tocfrom2n6" id="tocto2n6">Et pourquoi elles ne le peuvent dans la conception de l’évolution des sociétés</a></h2> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">28</span>Or ces trois caractéristiques que nous venons de reconnaître au fait générateur de variations, si elles conviennent aux mutations, ne conviennent pas du tout aux innovations sociales ou culturelles.</p> <div class="textandnotes"> <ul class="sidenotes"> <li><span class="num"></span></li> </ul> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">29</span>1. L’homme ne fait et n’imagine que des solutions au minimum un peu adaptées. Il ne crée pas des formes absurdes et non viables.<br />C’est en effet une très grande particularité que les mutations génétiques fassent ce que l’on  pourrait dire de façon quelque peu familière « n’importe quoi » en termes d’adaptation. Pour le comprendre, il suffit de transposer ce phénomène dans le monde social. Les biologistes insistent sur la très grande variabilité des formes du vivant. En tant que sociologue ou anthropologue social, je serais enclin à insister pareillement sur la très grande variabilité des formes sociales, aussitôt que nous sortons de l’Occident et de leurs sociétés. La différence entre les deux mondes ne vient pas de l’ampleur de cette variabilité ni de son exubérance, mais du processus qui la génère. Prenons une forme sociale comme « un soldat armé d’un fusil » : personne, aucun général, ni troufion, ni même un idiot, n’aurait jamais inventé ni même pensé à faire des fusils avec un canon coudé, ou des fusils qui tireraient en sens inverse, vers celui qui le tient. Dire que les mutations « font n’importe quoi »<a class="endnotecall" id="bodyftn6" href="#ftn6">vi</a>, c’est dire qu’elles sont susceptibles de créer des formes aussi absurdes que des canons coudés ou avec des sens de tir inverses. </p> </div> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">30</span>C’est une grande différence, et une différence évidente, qui sépare la mutation génétique et l’innovation technique. La différence n’est pas moins évidente si l’on examine les innovations sociales ou institutionnelles. Prenons simplement l’exemple d’une des plus importantes mutations de notre histoire : l’abolition des trois ordres, dans la nuit du 4 août 1789, qui résulte en grande partie de ce que la noblesse elle-même a voté pour cette abolition. Ce faisant, elle a aboli ce qu’il est convenu d’appeler ses « privilèges » (le droit à avoir la tête tranchée en cas de peine capitale – tandis que ceux du Tiers Etat étaient condamnés à la pendaison –, le droit exclusif à certains titres nobiliaires, celui de porter l’épée, de faire carrière comme officier supérieur dans les armées, etc.). Les historiens savent très bien analyser la répartition des votes en fonction des opinions politiques des divers représentants de la noblesse, mais aussi de leurs intérêts ; ils savent, tout comme les acteurs de l’époque le savaient, quoique peut-être plus confusément, qu’en perdant leurs privilèges, ceux de la haute noblesse conserveraient néanmoins une position prépondérante dans la nation, à la fois en raison de leurs liens avec le roi et parce qu’ils figuraient parmi les plus gros propriétaires fonciers ; ces mêmes acteurs ne pouvaient pas ne pas être conscients que cette abolition des « privilèges » signifiait aussi la levée du vieil interdit sur la noblesse qui voulait que ses membres ne s’adonnent pas à des travaux vils comme l’artisanat ou le commerce ; qu’ainsi ceux qui s’étaient déjà lancés dans les affaires pourraient prospérer d’une tout autre façon que seulement comme rentiers en raison des terres possédées ; que cette transformation était bienvenue non seulement pour une partie de la haute ou moyenne noblesse, mais l’était encore plus pour la petite noblesse désargentée. Personne à l’époque ne pouvait prévoir la suite de la révolution française, la terreur, l’exil, Napoléon, la Restauration, etc. Mais en tant que décision, compte tenu de ce qui était connu, la décision était « adaptée » et même très bien adaptée. </p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">31</span>C’est ce qui différera toujours entre une mutation biologique et une transformation sociale : la mutation est aveugle, tandis que l’homme est rarement dépourvu de toute intelligence. Il anticipe. Il ne met pas toujours en œuvre la solution la mieux adaptée, mais il n’en met pas non plus qui soit totalement absurde. Il ne fait pas « n’importe quoi ».</p> <div class="textandnotes"> <ul class="sidenotes"> <li><span class="num"></span></li> </ul> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">32</span>2. Les changements sociaux procèdent rarement d’un choix au sein d’une large gamme de possibles<br />Les mutations affectant un seul caractère de l’être vivant l’affectent d’une multitude de façons différentes. L’analogue d’un attribut<a class="endnotecall" id="bodyftn7" href="#ftn7">vii</a> de l’être vivant, c’est (dans la conception des tenants des modèles biologiques) un attribut de la société : par exemple, du côté de la biologie, le plumage des canards (leur couleur, multicolore, ou rouge, ou vert, etc. ; le fait qu’ils s’agisse de plumes et non d’écailles ; etc.), et du côté de la société, une stratification sociale fondée en droit (comme les trois ordres de l’ancien Régime, les castes indiennes, la ségrégation raciale en Afrique du Sud au temps de l’Apartheid ou jusqu’à récemment dans certains Etats des Etat-Unis, etc.). Et l’analogue d’une mutation biologique – laquelle n’affecte qu’un seul attribut de l’être vivant – c’est (toujours dans la conception des tenants des modèles biologiques) une innovation relativement à un seul attribut social. Cette analogie bien comprise, on verra qu’elle est fondée sur une méprise dans la mesure où la variabilité des formes biologiques envisageables pour une mutation possible n’est en rien comparable à la variabilité des formes sociales pour une innovation sociale possible. Concernant notre exemple de la nuit du 4 août, postuler une variabilité analogue à celle qui a lieu dans la mutation biologique voudrait dire la possibilité de choix entre : le maintien des trois ordres ; son abolition ; le retour à la situation du XI<sup>e</sup> ou XII<sup>e </sup>siècle, époque où l’entrée en chevalerie n’était pas héréditaire ; ou tout autre assouplissement du régime ; ou encore la création d’un système de castes à l’indienne, avec multiplicité des castes, liées à des métiers ou à la pureté rituelle, la création de « hors-caste » ; ou encore, l’instauration d’un système ségrégationniste, par exemple entre ceux d’origine gauloise et ceux d’origine germanique sous les Mérovingiens ; etc. Rien de tout cela n’a été envisagé : seulement deux possibilités, le maintien du système ou son rejet.</p> </div> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">33</span>3. Les changements sociaux ne sont en aucune façon aléatoires.<br />Si les mutations sont, dans les conditions actuelles de nos connaissances, assez peu prévisibles, il n’en va pas de même pour les innovations sociales, techniques ou institutionnelles. Toute découverte est préparée par de précédentes découvertes, découvertes intellectuelles (dans la façon différente de voir le monde, dans l’application de nouvelles façons de raisonner, d’appliquer un modèle mathématique, etc.) ou découverte technique. L’œuvre de Galilée est impensable sans le perfectionnement technique des lentilles, sans l’avancée générale de l’optique, à la fois en théorie et en pratique, sans un siècle (le XVI<sup>e</sup> siècle) de réflexion et d’expérimentation sur le tir avec des canons, etc. Bien sûr, l’histoire n’est pas une science prédictive, mais elle est quand même capable de dire à chaque période ce qui peut arriver et ce qui ne le peut pas, c’est-à-dire d’expliquer, sachant les conditions historiques d’une période, les orientations futures possibles de l’évolution des sociétés.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">34</span>Les changements institutionnels sont généralement préparés, et pour les plus importants, préparés de longue date par un mouvement d’opinion. Concernant la révolution française, elle est préparée par la révolution anglaise (qui la précède d’à peu près un siècle), par un mouvement d’opinion très vigoureux organisé par ce que l’on appelle « les philosophes », et encore par la révolution américaine ; notre Déclaration des droits de l’Homme ne fait que reprendre celle des Américains insurgés, notre Droit civil, dit Code Napoléon, ne fait que reprendre l’œuvre de Pothier, juriste du XVIII<sup>e</sup> siècle, etc. Rien n’est aléatoire au sens où la transformation que va subir la société française après 1789 était parfaitement prévisible, non dans les détails, mais comme une possibilité déjà inscrite dans la réalité de l’époque et qui n’attend que des occasions pour se réaliser. Et pour reprendre notre exemple de la nuit du 4 août, prétendre ou faire comme si le rejet des trois ordres avait été décidé de façon aléatoire, c’est-à-dire au hasard, constitue, je pense, une idée tellement saugrenue qu’elle étonnerait plutôt qu’elle ne ferait sourire un historien ou un chercheur en sciences sociales. On pourra sans doute disserter jusqu’à la fin des temps pour savoir quelles sont les causes exactes de cette nuit du 4 août (modèle de la révolution américaine, déclaration américaine des droits de l’homme, révolte des paysans qui brûlent les châteaux, intérêts de la noblesse, influence des Philosophes et courant d’opinion, etc.) mais même si ces chercheurs ne sont pas d’accord sur le rôle respectif des différentes causes, tous seront d’accord pour dire qu’il y a des causes, répertoriables, connues, et qui font que l’événement n’est pas tout à fait une surprise. Une innovation sociale ne se fait pas au hasard.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">35</span>Concluons brièvement. Le modèle darwinien ne fait jouer un rôle clef à la sélection naturelle qu’en vertu des caractéristiques très particulières attribuées aux mutations : leur caractère non préadapté, le fait qu’elles se produisent selon une large gamme de variations possibles et leur caractère aléatoire. Qu’une seule de ces caractéristiques manque et la sélection naturelle ne jouerait plus qu’un rôle d’appoint. Or, aucune de ces caractéristiques n’est le fait des innovations sociales ou culturelles ; cela fait trois raisons suffisantes pour lesquelles le concept de sélection ne peut être clef dans l’évolution des sociétés.</p> <h1 dir="ltr" id="heading9"><a href="#tocfrom1n3" id="tocto1n3">III. Quelques autres grandes particularités de l’évolution sociale qui font que les modèles biologiques ne peuvent s’y appliquer</a></h1> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">36</span>Jusqu’ici, nous avons montré que les tentatives d’appliquer des modèles biologiques à l’évolution des sociétés procédaient d’une totale méconnaissance de ces modèles, et de leurs conditions, très précises, de validité. Elles procèdent aussi, de la part de ceux qui les proposent, d’une totale méconnaissance des processus sociaux.</p> <h2 dir="ltr" id="heading10"><a href="#tocfrom2n7" id="tocto2n7">Les changements sociaux mettent toujours en jeu la volonté</a></h2> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">37</span>Ils sont, pour la plupart, intentionnels et préparés ; quand ils ne le sont pas, au moins suscitent-ils chez ceux qui les subissent des actions et des réactions volontaires ; dans tous les cas, ils mettent toujours en jeu la volonté des agents sociaux. Les innovations institutionnelles sont toujours voulues, et peu importe qu’elles soient le fait des représentants du peuple ou d’un despote. Ce ne l’est pas moins pour les inventions techniques, car l’on ne trouve que là où l’on cherche, et tout travailleur souhaite améliorer ses conditions de travail ; il faut à ce propos sans cesse dénoncer ce mythe populaire qui voudrait que les découvertes tombent du ciel comme la pomme dans l’esprit de Newton. Qu’il existe des effets non voulus de certains changements sociaux, la décimation des nobles suite à l’instauration du régime de la terreur ou le chômage suite au machinisme, c’est évident ; mais il ne l’est pas moins que ceux qui subissent cette calamité imaginent des solutions pour remédier à leur situation et tentent de les mettre en œuvre. L’intentionnalité est partout dans la société et nous ne ferons pas des sciences sociales sans prendre en considération la volonté des hommes. C’est une donnée première.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">38</span>Aussi n’y a-t-il rien de comparable aux mutations de la biologie, dont la première caractéristique est de n’avoir été voulues par personne.</p> <h2 dir="ltr" id="heading11"><a href="#tocfrom2n8" id="tocto2n8">L’homme est capable de corriger lui-même les conduites et les formes sociales les moins bien adaptées</a></h2> <div class="textandnotes"> <ul class="sidenotes"> <li><span class="num"></span></li> </ul> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">39</span>Une variété de canard au plumage entièrement rouge serait peu adaptée à la dissimulation contre les prédateurs, et une couleur aussi voyante<a class="endnotecall" id="bodyftn8" href="#ftn8">viii</a> contribuerait à la décimation rapide de cette variété. Le pantalon garance qui faisait partie de la tenue régulière de l’armée française encore en 1914 était aussi peu adapté à la guerre moderne ; il favorisa le tir des Allemands et contribua grandement aux revers français. Mais la différence entre un canard qui serait rouge et un soldat qui porte un pantalon rouge est que l’homme peut changer de pantalon tandis que l’animal ne peut changer la couleur de sa robe. De fait, l’état-major décida en 1915 de changer la tenue du fantassin français.</p> </div> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">40</span>Il en résulte que l’on ne peut sans abus comparer la mutation en biologie et la transformation sociale. Car l’homme non seulement ne crée pas des formes sociales totalement inadaptées (ci-dessus, p. 8-9), mais encore est-il capable de corriger ces formes quand elles sont mal adaptées. Il en résulte que la sélection ne peut jouer de la même façon dans le monde social et dans le monde biologique. L’homme est capable de court-circuiter la sélection sociale en créant des formes mieux adaptées.</p> <h2 dir="ltr" id="heading12"><a href="#tocfrom2n9" id="tocto2n9">Les peuples  n’attendent  pas d’être éliminés</a></h2> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">41</span>Comme l’homme peut changer ses institutions et ses habitudes sociales, une population qui en a de mauvaises est capable d’en changer si elle s’aperçoit qu’elles sont mal adaptées et risquent à terme d’aboutir à son élimination. Ni la nation française ne fut éliminée en 1914 suite à une défense par des fantassins en pantalon garance, ni même la totalité de l’armée française ; l’espèce canard au plumage rouge, au contraire, ne peut être qu’éliminée physiquement. La sélection naturelle élimine les populations en même temps que les formes biologiques mal adaptées ; la sélection dans la société ne fait rien de tel, étant susceptible d’éliminer les formes sociales sans exterminer les populations.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">42</span>Ce point, ainsi que le précédent, résulte d’une différence évidente entre biologie et sociologie : les formes biologiques (phénotype comme génotype) collent à la peau de l’être vivant, tandis que les formes sociales ne collent à la peau d’aucun peuple. Un peuple peut très bien se dépouiller de ses formes sociales habituelles (les Français de l’Ancien Régime ou, plus récemment, les Russes du régime socialiste) sans perdre son identité.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">43</span>Toute transposition de modèles biologiques dans les sciences sociales pèchera toujours par l’oubli de quelques différences majeures entre le domaine de la biologie et celui de la sociologie : la sélection naturelle agit simultanément en éliminant des êtres vivants et des formes de la vie, tandis qu’une sélection au sein de la société ou entre les sociétés ne joue généralement que sur les formes de la société ; entre les êtres sociaux (les peuples, les groupes plus petits ou les individus) et les formes sociales (institutions, conduites ou habitudes), il existe toujours un décalage qui fait que les êtres peuvent rester ce qu’ils sont en se dépouillant de leurs formes et agir sur elles.</p> <h2 dir="ltr" id="heading13"><a href="#tocfrom2n10" id="tocto2n10">Il existe des tendances à très court terme dans l’évolution des sociétés qui ne peuvent être expliquées par aucun phénomène adaptatif</a></h2> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">44</span>Nous appelons « tendances (ou série évolutive) à très court terme » des tendances qui se déroulent sur quelques années, temps ridiculement court au regard de l’évolution des espèces (et de la géologie), et encore assez court au regard de celle des sociétés (déjà 10 000 ans depuis l’invention de l’agriculture). Ces tendances se rencontrent à foison dans l’histoire. Voici un exemple :<br />- par un édit d’août 1779, Louis XVI affranchit gratuitement tous les serfs du domaine royal, abolit le droit de poursuite dans tout le royaume et invita les seigneurs à affranchir leurs serfs ;<br />- dans la nuit du 4 août 1789, le servage fut définitivement aboli, en même temps que tous les droits féodaux.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">45</span>Dira-t-on qu’en 10 ans seulement, les hommes ont eu le temps suffisant pour expérimenter le nouveau système inauguré par Louis XVI sur son domaine et comprendre qu’une paysannerie libre était mieux « adaptée » que des serfs ? Un tel argument – qui n’a d’ailleurs, à notre connaissance, été présenté par personne – serait absurde. Les systèmes sociaux évoluent non pas parce les meilleurs seraient sélectionnés en fonction de leur plus grande valeur adaptative, mais parce que les mentalités évoluent. A la fin du XVIII<sup>e </sup>siècle, un vent général de liberté souffle sur l’Europe. L’abolition du servage en France prend place au sein de cette tendance générale de l’époque à abolir les vieilles formes de dépendance héritées du Moyen Age, et ce n’est pas pour rien que cette abolition, phénomène historique mineur, se place entre les <em>Déclarations des droits de l’homme</em> américaines (<em>Déclaration</em> qui précède la constitution de Virginie, juin 1776 ; <em>Déclaration d’Indépendance</em>, 4 juillet 1776) et française (26 août 1789). Partout, on affirme que l’homme « naît libre et le reste ». Ce n’est certainement pas parce que l’on s’est aperçu que la liberté était meilleure du point de vue de l’adaptation : à cette époque, il n’y a pas encore de sociétés libérales analogues à celles que l’on connaît aujourd’hui.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">46</span>De telles tendances à très court terme sont inconcevables dans les modèles darwiniens de l’évolution biologique. D’abord, parce qu’il faut donner à la sélection le temps de faire son travail d’élimination. Mais surtout, après une mutation « réussie » (c’est-à-dire qui a donné naissance à une nouvelle variété ou espèce qui a remplacé la précédente), donner le temps pour qu’apparaisse, au sein de toutes les mutations subséquentes, une nouvelle susceptible d’aller dans le même sens et encore mieux adaptée. Dans toute conception darwinienne, les tendances ou séries évolutives ne peuvent qu’être longues dans la mesure où il faut donner au temps au hasard d’engendrer la bonne forme.</p> <h2 dir="ltr" id="heading14"><a href="#tocfrom2n11" id="tocto2n11">L’évolution sociale et culturelle fait apparaître des phénomènes de convergence synchrone</a></h2> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">47</span>On parle de « convergence » en anthropologie culturelle ou en histoire des techniques quand deux séries évolutives apparemment indépendantes aboutissent au même résultat. Par exemple, le développement de l’architecture au Proche Orient ancien comme en Méso-Amérique aboutit à l’invention de la colonne et de la voûte en encorbellement (dite aussi « fausse voûte » – la vraie voûte, au contraire, n’est pas inventée par les Amérindiens). On admet qu’il s’agit alors d’inventions indépendantes. Un phénomène analogue en biologie est fourni par la diversification analogue des mammifères et des marsupiaux qui comptent en Australie un « loup », dit de Tasmanie, marsupial, un « chat » sauvage, également marsupial, etc. La convergence dans l’évolution biologique s’explique sans problème en termes de diversification et adaptation. Mais il serait très étrange que la convergence soit synchrone, c’est-à-dire que deux séries évolutives aboutissent en même temps au même résultat, parce qu’il n’y a aucune raison dans les modèles darwiniens qui permettrait d’expliquer ce synchronisme. Ce serait un pur hasard, non pas inconcevable, mais rare parce que hautement improbable.</p> <div class="textandnotes"> <ul class="sidenotes"> <li><span class="num"></span></li> </ul> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">48</span>Or, au cours de l’évolution culturelle ou sociale, de telles convergences synchrones sont innombrables, se rencontrent à toute époque et concernent tous les aspects de cette évolution. Par exemple :<br />- dans l’histoire des idées : Darwin et A. R. Wallace élaborèrent indépendamment<a class="endnotecall" id="bodyftn9" href="#ftn9">ix</a> et en même temps une théorie de la sélection naturelle ; c’est le même jour, le 1<sup>er</sup> juillet 1858, que fut lue leur communication commune à la Linnean Society ;<br />- dans l’histoire institutionnelle et politique : l’année même (1861) où la Russie abolit le servage, les Etats-Unis d’Amérique commencent la Guerre de Sécession (1861-1865) pour l’abolition de l’esclavage.</p> </div> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">49</span>La différence entre les mutations biologiques et celles de la société ou des idées vient de ce que les premières seules apparaissent au hasard, tout au moins sans que l’on sache pourquoi, et de ce que ce hasard est à l’origine de tout mouvement évolutif. Les secondes (inventions scientifiques ou techniques, innovations sociales ou institutionnelles) viennent de l’évolution antérieure et s’expliquent par elle.</p> <h2 dir="ltr" id="heading15"><a href="#tocfrom2n12" id="tocto2n12">Dans le monde social, les caractères acquis sont transmissibles</a></h2> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">50</span>Un père transmet à son fils son patrimoine ; et si ce père est cultivé, il hérite en grande partie de cette culture. Et ce qui vaut des membres d’une société vaut aussi pour les peuples. Cette « hérédité des caractères acquis » dans le monde social et culturel fait que la conception de Lamarck s’y appliquerait plus facilement que celle de Darwin. Le modèle darwinien est d’ailleurs totalement inutile pour rendre compte de l’évolution sociale ou culturelle : les aptitudes acquises par les hommes au sein de la société étant aptes à être transmises, il n’est pas besoin d’imaginer un processus de création de la variation entièrement autonome par rapport à l’acquis par l’expérience. Le génie de Darwin, c’est d’avoir postulé un tel processus, que nous appelons maintenant « mutation » ; cette invention était géniale dans la mesure où elle permettait d’expliquer l’évolution sans recourir à l’idée d’« hérédité des caractères acquis ». Mais, en sciences sociales, nous n’en avons pas besoin.</p> <h2 dir="ltr" id="heading16"><a href="#tocfrom2n13" id="tocto2n13">Il n’y a rien dans le monde social qui ressemble à la dualité entre une cause interne comme les mutations en biologie et une autre, externe, comme l’adaptation</a></h2> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">51</span>L’évolution des espèces est entièrement conçue en fonction d’une dualité entre des déterminations purement internes à l’être vivant (les gènes et les mutations qui les affectent) et des déterminations exclusivement externes (l’adaptation au milieu) qui sont absolument sans influence sur les premières. Le milieu, en effet, n’affecte en aucune façon le matériel génétique (non hérédité des caractères acquis ; distinction du génotype et du phénotype) ni les mutations (réputées aléatoires, et donc indépendantes du milieu). C’est là un dogme intangible de la biologie moderne et la puissance de la théorie darwinienne vient précisément de qu’elle tient compte de cette dualité et de cette indépendance. Mais il n’y a rien de tel dans le monde social ou culturel. Et ceux qui se plaisent à imaginer des « mutations » sociales ou culturelles sur le modèle de celles de la biologie ignorent ou feignent d’ignorer que les hommes en société ne sont pas rigoureusement déterminés par les normes et les enseignements qu’ils ont reçus de leurs ancêtres comme l’être vivant l’est par son matériel génétique.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">52</span>Les hommes sont capables de changer leur mode de vie, leurs pratiques sociales et leurs idées sur la société au cours de leur vie ; et ces changements seront transmis aux générations suivantes, à moins qu’eux-mêmes ne les changent à nouveau. On ne peut pas opposer, au sein des institutions ou des opinions d’une société, certaines qui se transmettraient infailliblement et d’autres qui d’une manière aussi infaillible ne pourraient se transmettre. On ne peut opposer dans le monde social un inné qui obéirait à certaines lois et un acquis qui obéirait à d’autres. Cela n’a aucun sens.</p> <h1 dir="ltr" id="heading17"><a href="#tocfrom1n4" id="tocto1n4">IV. Parenthèse historique : du paradoxe de vouloir appliquer le modèle darwinien à l’évolution des sociétés</a></h1> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">53</span>Quand Darwin publie <em>L’origine des espèces</em> (1859), la pensée évolutionniste – transformiste comme on dit à l’époque – est déjà bien affirmée. Elle trouve dans la paléontologie, depuis Lyell (aux environ de 1830) et la fondation de la nouvelle géologie, l’essentiel de ses arguments. Le seul problème est de comprendre son mécanisme, ou plutôt d’imaginer un mécanisme compatible avec ces deux vérités : l’une, connue depuis toujours, à savoir que l’être vivant n’est pas capable de changer sa forme biologique ; l’autre, que ne connaissait pas encore Lamarck au début du siècle, à savoir que les caractères acquis ne peuvent être hérités. Darwin fournit, comme l’on sait, la réponse.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">54</span>Il fournit une réponse adéquate précisément en permettant de penser cette évolution biologique <em>à l’encontre</em> de celle des sociétés. Car il est évident que l’homme social peut changer ses formes sociales ; il est non moins évident que les formes sociales acquises sont héritables ; et il est tout aussi évident que les changements sociaux, en tout premier lieu les changements institutionnels, sont des changements voulus par l’homme. Aucune de ces trois conditions ne saurait valoir pour l’évolution des espèces. L’évolution des espèces ne saurait être la conséquence de ce que l’être vivant change lui-même ses formes biologiques ; elle ne saurait résulter de la transmission de l’acquis ; elle ne saurait résulter de la volonté des êtres vivants. Tout le problème de la pensée biologique du XIX<sup>e </sup>siècle est donc de pouvoir penser un modèle différent de celui de l’évolution sociale et culturelle. Il est aussi de s’affranchir des modèles proposés par les penseurs sociaux depuis le milieu du XVIII<sup>e </sup>siècle. Car, on l’ignore trop souvent, la pensée évolutionniste en sociologie précède celle en biologie. Cela résulte de ce que l’évolution des sociétés et de la culture n’a jamais été mise en question par aucune école de pensée, ni même par l’Eglise : la Bible en parle très clairement, en faisant succéder le temps des rois à celui des patriarches, celui de la sédentarité et des villes à celui du nomadisme. Que les sociétés évoluent, c’est ce que nous disent aussi certains mythes grecs ou chinois. L’homme a toujours su que la société évoluait – tandis que l’évolution des espèces, le fait que les lézards descendent des poissons, ou l’homme du singe, n’a rien d’évident. Une pensée évolutionniste en anthropologie sociale s’affirme très nettement à partir de 1750 (Meek 1976 ; Testart 1992), une pensée qui va parler du progrès des Lumières (au sens du siècle des Lumières), c’est-à-dire du progrès des idées, de la culture, des inventions et des institutions. C’est très exactement contre ce type de modèle – inapplicable en biologie – que Darwin va construire sa théorie.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">55</span>Elle est construite spécialement à la différence de l’évolution sociale ou culturelle, pour ne faire jouer aucun rôle à la volonté, ni à aucune finalité. Alors que la « volonté » du législateur, comme disent les juristes, ou l’intentionnalité, est une donnée de base de l’évolution des sociétés. C’est donc un paradoxe de prétendre appliquer un tel modèle à l’évolution sociale puisqu’il a été construit exprès pour rendre compte de ce qui en différait.</p> <h1 dir="ltr" id="heading18"><a href="#tocfrom1n5" id="tocto1n5">V. Incertitude et absurdité des modèles d’inspiration biologique actuellement proposés pour l’évolution culturelle ou sociale</a></h1> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">56</span>Les faiblesses des modèles actuellement proposés (Jouxtel ; Cavalli-Sforza) viennent directement de ce que le monde social n’est pas régi par les mêmes principes que celui de la biologie. Ce dont il résulte que les lois de l’évolution des sociétés ne peuvent pas plus être les mêmes que celles de l’évolution des espèces. Il en résulte tout aussi nécessairement – du point de vue épistémologique ou de la classification des sciences – que les concepts clefs des sciences biologiques ne peuvent être les mêmes que ceux des sciences sociales et que tout modèle inspiré de la biologie se condamne à être purement analogique et sans pertinence scientifique. Aussi allons-nous critiquer maintenant certains détails de ces modèles, non pas dans l’idée que ces faiblesses ne viendraient que de l’incurie de leurs auteurs et que d’autres mieux informés qu’eux pourraient y remédier, mais bien dans l’idée de montrer que toute inspiration biologique dans les sciences sociales ne peut qu’aboutir à des aberrations.</p> <h2 dir="ltr" id="heading19"><a href="#tocfrom2n14" id="tocto2n14">Incertitude du terme « culture » chez les tenants des modèles biologiques : le fait que les Français mangent les cuisses de grenouille fait-il oui ou non  partie de leur culture ?</a></h2> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">57</span>Au début de son livre, Cavalli-Sforza (Cavalli-Sforza 2005b : 9) définit sans autre forme de procès la culture comme « l’accumulation globale de connaissances et de nouveautés engendrées par la somme de contributions individuelles transmises au fil des générations et diffusées au sein de notre groupe social ». Cette définition n’est pas justifiée autrement que par le fait que ce sens serait plus « général » que d’autres. Mais, en un sens tout à fait général, on dit que le fait que les Français mangent les cuisses de grenouilles est un des traits de la culture française. Et le fait de manger des cuisses de grenouilles n’est ni une « connaissance », ni une « nouveauté ». Pas plus que le fait de manger des huîtres ou des escargots, qui fait partie de la culture française, et non de la culture anglaise. Si les Anglais ne mangent pas ces choses, ce n’est pas parce qu’ils n’en ont pas la connaissance, c’est qu’ils n’aiment pas, ou plutôt parce que, comme on dit, « ce n’est pas dans leur culture, ce n’est pas dans leurs habitudes culturelles ». Aussi la « culture » d’un peuple (ou d’un groupe social, comme dit Cavalli-Sforza) n’est-elle jamais composée seulement des « connaissances », c’est d’abord et avant tout des habitudes, des pratiques, des mœurs et des coutumes.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">58</span>L’esclavage faisait partie de la culture grecque antique : il était pratiqué par toutes les cités grecques et admis comme légitime par tous les penseurs de l’Antiquité. Il ne fait pas partie de notre culture moderne. Ce n’est pas parce que nous « ne savons pas » faire des esclaves ni comment les utiliser – le souvenir de ces pratiques est encore très vivant dans le monde actuel. Le harem fait partie de nombreuses cultures asiatiques. Il ne fait pas partie de notre culture, ni actuelle ni ancienne. Ni le harem, ni l’esclavage, ni certaines habitudes alimentaires qui font la culture d’un peuple ne sont des « connaissances ». Réduire la culture à une accumulation d’idées, de savoirs ou de connaissances est une absurdité.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">59</span>Le terme « culture », lorsqu’il est appliqué à des hommes (c’est-à-dire en dehors de la « culture des plantes ») a deux sens bien distincts. Le premier est celui qui correspond à l’expression « un homme cultivé » : ensemble de connaissances acquises qui permettent de développer le sens critique, le goût, le jugement. Le second est celui qui correspond à l’expression « un homme d’une autre culture » : ensemble des conduites et des idées acquises dans une communauté humaine, et tenues pour normales (conformes aux normes admises) par cette communauté. En ce second sens, une culture se définit  toujours par différence avec une autre ; c’est à peu près ce que l’on appelle traditionnellement les « mœurs et coutumes » (en y adjoignant les normes, principes et justifications qui vont avec ces mœurs). En ce second sens, on ne peut parler de « culture » qu’au pluriel : il y a des cultures. Les cultures du monde constituent l’objet propre de l’ethnologie, appelée également anthropologie sociale ou culturelle. Cette discipline, tout comme l’histoire, l’archéologie et les autres sciences sociales, n’a jamais employé le terme « culture » que dans ce second sens.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">60</span>En ne retenant que le premier sens et en ignorant, ou feignant d’ignorer, tout du second, Cavalli-Sforza et autres tenants des modèles biologiques se placent délibérément en dehors des sciences sociales. Ils en ignorent les données, ce qui suffit déjà à les discréditer auprès des représentants de ces  disciplines, car que penserait un biologiste de quelqu’un qui proposerait un modèle de l’évolution des espèces en ne sachant rien de la physiologie, de la zoologie, de la paléontologie ou de la biologie moléculaire ? Mais ils en ignorent également l’enseignement principal qui est celui de la formidable diversité des cultures. Ils en ignorent enfin la problématique essentielle, la difficulté principale de toute conception évolutionniste en sciences sociales, qui est bien de concevoir l’évolution sociale en même temps que cette diversité. Que penserait un biologiste d’un modèle de l’évolution biologique qui ne tiendrait pas compte de la diversification des espèces ? Il penserait qu’il est nul. C’est ce que nous pensons des prétendus modèles d’évolution culturelle inspirés de la biologie qui ne tiennent pas compte de la diversité des cultures.</p> <h2 dir="ltr" id="heading20"><a href="#tocfrom2n15" id="tocto2n15">Incertitude du terme « adaptation » chez les tenants des modèles biologiques : les Français qui mangent les cuisses de grenouille sont-ils mieux adaptés que si, comme les Anglais, ils ne les mangeaient pas ?</a></h2> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">61</span>On nous dit que les phénomènes sociaux ou culturels doivent être « adaptés », ce que nous sommes tout prêt à admettre, mais encore faudrait-il nous dire en quoi. Il faudrait nous dire en quoi la suppression des ordres pendant la nuit du 4 août était adaptée en 89 alors que le contraire, la fermeture de la chevalerie en caste fermée et héréditaire au XIII<sup>e </sup>siècle, était mieux adapté à cette époque. Il faudrait nous dire pourquoi l’abolition de l’esclavage au XIX<sup>e </sup>siècle était mieux adaptée que son maintien ; et pourquoi au contraire la généralisation de l’esclavage dans les colonies d’Amérique au XVI<sup>e </sup>siècle était adaptée. Les tenants des modèles biologiques ne nous disent rien de tel, ni même n’évoquent ce genre de questions, qui sont parmi les questions centrales de l’histoire des sociétés. Il faudrait également dire pourquoi les Français qui mangent les cuisses de grenouilles sont mieux adaptés à leur environnement que s’ils ne le faisaient pas ; et pourquoi les Anglais qui ne les mangent pas sont mieux adaptés au leur.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">62</span>Mais adaptés à quoi ? à l’environnement naturel ou à l’environnement culturel ? </p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">63</span>Je laisserai aux tenants des modèles biologiques le soin de chercher dans les qualités alimentaires et gustatives des grenouilles de France et d’Angleterre les raisons adaptatives différentielles qui expliquent les comportements opposés des deux peuples ; ou dans les propriétés du sol français et anglais, ou dans tout autre phénomène naturel. Je préfère croire qu’il en va des cultures comme des individus et que – selon l’expression – « les goûts et les couleurs », cela ne s’explique pas, sinon par référence aux idiosyncrasies des peuples ou des individus, à leurs dispositions propres et à la contingence de leurs histoires singulières, qui inclut certes le rapport au milieu naturel mais également beaucoup d’autres facteurs.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">64</span>Maintenant, dire que la coutume française de manger des cuisses de grenouille est culturellement « adaptée », dire que ce trait culturel français est « adapté » à la culture française, cela ressemble à une pure tautologie. Une culture n’est rien d’autre qu’un ensemble de traits culturels qui sont autant d’habitudes culturelles, manières de faire ou manières de penser, lesquelles vont de pair avec des mentalités culturelles : et chaque fois que l’on dira qu’un trait culturel est « bien adapté » au sens culturel, on ne fera qu’énoncer une tautologie, parce que le trait culturel n’est qu’un morceau ou un aspect de la culture. Cela vaut tant pour l’absence de distinction entre des ordres (entre les nobles et les roturiers) ou la libre entreprise dans la culture moderne, que pour l’esclavage dans la culture grecque antique. La distinction entre les ordres était bien adaptée à l’Ancien Régime, elle ne l’est plus à l’époque moderne ; l’esclavage était bien adapté à l’Antiquité, il ne l’est plus à l’époque moderne.  Dire que ces institutions et les idées que les hommes de chaque période historique s’en font sont bien adaptées, c’est dire seulement qu’elles font partie de la culture de chacune de ces époques.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">65</span>Tout le problème vient de ce que lorsque les biologistes parlent d’adaptation et de sélection naturelle, ces deux concepts ont un sens du fait qu’ils s’appliquent 1) <em>à des êtres</em>, individus ou populations, lesquels sont 2) en rapport avec un milieu <em>extérieur</em>, la limite entre un être vivant et l’extérieur étant une des données de base de la biologie. De ce point de vue, on peut très bien parler « d’adaptation » d’un individu ou d’un groupe au milieu social et culturel, et c’est ce que fait la langue courante lorsqu’elle dit de quelqu’un qu’il est « mal adapté » au monde contemporain parce qu’il refuse par exemple d’utiliser le téléphone portable ou le net. Mais ce n’est pas ce que font les tenants des modèles biologiques qui parlent d’idées sociales, de connaissances, de croyances ou d’institutions. Les idées qui prédominent dans une société ne sont pas isolables les unes des autres ni opposables à un « extérieur » au même titre qu’un être vivant par rapport à son milieu, elles n’ont pas d’individualité au sens où un individu ou un groupe en a une, ni de comportement au sens propre que l’on puisse comparer à celui d’un individu ou d’un groupe. Les ordinateurs sont liés à l’algèbre de Boole, comme l’absence de privilèges pour une éventuelle noblesse l’est à la déclaration universelle des droits de l’homme. Les idées n’ont pas entre elles le même rapport que des êtres vivants : elles s’entremêlent dans une multitude de rapports qui ne sont pas seulement de transmission ou d’engendrement, les unes n’étant que des parties ou des cas particuliers des autres, certaines se déduisant de principes plus généraux ou au contraire formant leurs assises logiques ; ou encore, se contredisant entre elles. C’est pourquoi il sera toujours douteux de tracer un parallèle entre un ensemble d’idées partagées par une communauté et l’ensemble des hommes qui composent cette communauté. Les idées ne sont pas des êtres vivants.</p> <h2 dir="ltr" id="heading21"><a href="#tocfrom2n16" id="tocto2n16">Transmission génétique et transmission des connaissances : un parallèle abusif</a></h2> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">66</span>Nous avons déjà dit l’absurdité du parallèle entre les inventions et les mutations – les inventions s’engendrant les unes les autres, ce que ne font pas les mutations – et n’y revenons pas. Reste à examiner la thèse – commune aux méméticiens et à Cavalli-Sforza, même si ce dernier récuse le terme de « mème » – selon laquelle les idées en société se reproduiraient à l’identique par un processus analogue à celui de la reproduction biologique, des gènes ou de l’ADN. Cette analogie entre transmission génétique et transmission des connaissances constitue la pierre de touche et l’idée principale de tous ces modèles d’inspiration biologique.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">67</span>Cette analogie est bien connue en sociologie et en histoire. Elle est d’ailleurs inscrite dans les langues. D’un maître, on dit qu’il est le « père » spirituel de son disciple. On parle des « Pères » de l’Eglise. Et celui qui adopte un enfant, la société le reconnaît comme père, même s’il n’est pas le géniteur. Ce langage s’étend aux organisations sociales : on parle de « filiales » dans le monde de l’entreprise, comme les Grecs parlaient de cités « mères » pour désigner celles qui étaient à l’origine des colonies (ainsi Phocée par rapport à Marseille, l’antique Massilia). D’un point de vue biologique, ce ne sont là que métaphores. Mais la comparaison avec un véritable rapport biologique d’engendrement tient parce que :<br />1. dans chaque cas, il existe des lois précises et définies de transmission, qu’il s’agisse du patrimoine du père (règles sociales de l’héritage), des connaissances du maître (règles d’apprentissage), ou même dans le cas des cités grecques, de la population que la colonie reçoit de la cité « mère » ;<br />2. cette transmission est reçue sans pouvoir être refusée (l’élève ou le disciple reste libre de refuser le maître, mais une fois celui-ci choisi, ses enseignements sont normalement acceptés) ;<br />3. c’est tout un ensemble, ce que l’on appelle un « patrimoine », qui chaque fois est transmis, en partie ou en totalité, par celui que l’on appelle « père » à celui qui est dit « fils » ou « fille » ;<br />4. il existe chaque fois un lien privilégié entre un être et quelques autres seulement ; tous sont bien identifiés et définis soit comme individus (le « père » ou la « mère », les « fils » et « filles ») soit comme groupes (entreprises, cités grecques, groupe des « Pères de l’Eglise » qui transmet son enseignement à la communauté des fidèles) ; la transmission est à sens unique, entre le premier qui donne et les autres qui reçoivent ; <br />5. enfin, en raison des deux points précédents, ce qui est transmis est chaque fois constitutif de celui qui est considéré comme « fils » ou « fille », le « père » étant d’une façon ou d’une autre son modèle, le « fils » ou la « fille » étant fait à l’image du « père ».</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">68</span>Il est clair que ces cinq traits se retrouvent dans la transmission génétique : 1. lois de Mendel ; 2. les gènes sont transmis sans pouvoir être refusés ; 3. c’est tout un ensemble, un patrimoine génétique, qui est transmis ; 4. il existe un lien privilégié entre un être et un ou deux (en cas de reproduction sexuée) autres ; 5. les gènes définissent le génotype de l’être vivant. </p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">69</span>Tout le monde voit cette analogie, en quoi elle est forte et bien fondée. Mais ce n’est pas celle-ci qu’envisagent les méméticiens et Cavalli-Sforza. Ils n’envisagent pas un rapport de filiation entre deux êtres (vivants ou sociaux), ni même entre un être et une idée (au sens où l’on dit d’un auteur ou d’un inventeur qu’il a la « paternité » de son œuvre ou de sa découverte), mais un rapport de reproduction entre les idées. Pour les méméticiens, l’idée (ou tout ce que les méméticiens désignent par ce terme : schème de pensée ou de comportement), sous le néologisme de « mème », est comparable au gène et est décrite comme de « l’ADN culturel » parce qu’elle est capable de se reproduire à l’identique dans la transmission. Pareillement Cavalli-Sforza (Cavalli-Sforza 2005b : 110, 130) écrit : « quand nous apprenons quelque chose de nos parents, nous nous trouvons dans une situation qui a beaucoup en commun avec la transmission génétique » ; « étant donné que nous considérons que cet acte [de transmission d’une idée] est analogue à l’engendrement d’un enfant, nous pouvons parler d’autoreproduction des idées ». Mais une idée ne « s’autoreproduit » pas toute seule : elle est reproduite. Pas plus qu’une mode vestimentaire, ou une manière de penser. La reproduction des idées et la reproduction des êtres sont choses complètement différentes, parce que, même si nous pouvons parler de la « vie » d’une idée, l’idée n’a pas d’autonomie, pas plus qu’elle n’agit, comme fait un être vivant ou une molécule d’ADN. Le parallèle entre les idées transmises entre les individus d’une société et les gènes de la biologie pêche déjà par ce défaut majeur : ce sont les êtres vivants qui font la transmission des idées alors que ce sont au contraire en grande partie les gènes qui font l’être vivant, du moins son génotype. Il pêche également par une confusion : la circulation des idées envisagée par les méméticiens ou Cavalli-Sforza est une circulation très générale (acceptation d’une invention, réception d’une information journalistique ou télévisée, reprise d’une « blague », selon l’exemple pris par Cavalli-Sforza) ; or, cette circulation générale des idées n’est pas la même chose que la transmission culturelle, c’est-à-dire celle d’un patrimoine entre un père et un fils, ou d’un enseignement entre un maître et un disciple. La transmission culturelle, avons-nous dit et admis, est analogue à la transmission génétique. Mais la circulation des idées ne l’est pas. Montrons-le sur les cinq points que nous avons dégagés plus haut :<br />1. Personne, ni les méméticiens, ni Cavalli-Sforza, n’a encore montré que la circulation générale des idées au sein de la société obéissait à des lois précises, comparables à celles de Mendel ;<br />2. Les idées (les inventions, les informations, etc.) peuvent être reçues ou refusées ;<br />3. Les idées ne circulent pas nécessairement par paquets, mais peuvent le faire isolément les unes des autres ; il n’y a rien qui ressemble à un patrimoine dans la circulation générale des idées au sein d’un groupe social ;<br />4. Au sein d’un groupe social, les idées circulent en tous sens. D’autant plus qu’il y a comme disent les tenants des modèles biologiques également une « transmission horizontale » : le fait, pour citer l’exemple de Cavalli-Sforza, d’apprendre une « blague » d’un ami ou d’un voisin, ou la circulation générale des informations. Il faudrait même envisager une transmission verticale inverse, car il arrive assez souvent que les aînés apprennent de leurs cadets, ou les parents de leurs enfants (l’usage de l’ordinateur, par exemple). Si bien que les idées circulent en tous sens dans la société, le long de canaux multiples, dans un réseau complexe et échevelé, qui n’a rien de commun avec la transmission génétique entre père et fils. Maintenir cette analogie aboutit à des absurdités, à la multiplication presque infinie des « pères » (aussi nombreux que ceux qui ont propagé une idée) et même à une confusion des catégories parce qu’il arrive assez souvent que deux individus « échangent » des idées : qui alors serait « père » et qui « fils » ? Dans la circulation générale des idées dans la société, on ne peut identifier ni des « pères » ni des « fils » ;<br />5. Celui qui reçoit une information télévisée ou une « blague » d’un ami n’est en aucune façon fait à l’image de celui dont il reçoit.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">70</span>Répétons-le : la transmission génétique est transmission d’un patrimoine par un être vivant à un autre être vivant ; elle a son analogie dans le monde social entre un père et un fils ou entre un maître et son élève parce qu’il s’agit pareillement de la transmission d’un patrimoine (en biens matériels ou en connaissances) ; mais elle ne peut sans absurdité être comparée à la circulation des idées en société, parce que ces idées circulent en tout sens et ne permettent pas de définir des rapports individualisés et privilégiés entre des « pères » et des « fils » dont les seconds seraient à l’image des premiers.</p> <h2 dir="ltr" id="heading22"><a href="#tocfrom2n17" id="tocto2n17">L’acceptation des idées dans un groupe peut-elle être comparée à la sélection naturelle ?</a></h2> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">71</span>On peut dire d’une entreprise qu’elle est « bien adaptée » si elle survit, prospère et réussit ; tout comme pour un être vivant. C’est que dans les deux cas, on a donné une chance au candidat, à l’entreprise, de vivre au moins un certain temps, à l’être vivant, au moins de naître. Dans les deux cas, il y a mise à l’épreuve, par les faits, par l’environnement, qui permettra de juger de la bonne ou mauvaise adaptation. Dans les deux cas, on peut parler de « sélection », sélection sociale ou sélection naturelle. On peut juger ce parallèle peu intéressant – c’est mon cas : je ne vois pas, en ce qui concerne l’entreprise, ce que l’on gagne à s’exprimer en terme d’adaptation plutôt qu’en termes  d’« efficacité » ; pas plus que je ne vois ce que l’on gagne, pour un individu qui ne réussit pas dans la vie, à dire qu’il est mal adapté plutôt que mal « socialisé » ou mal « intégré ». Mais j’admets que cette comparaison puisse être faite, et ce langage, tenu.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">72</span>En revanche, je dis que cela n’a aucun sens de comparer (comme le fait Cavalli-Sforza 2005b : 126 <em>sq</em>.) l’acceptation des idées à une « sélection » culturelle. On ne peut en effet parler de « sélection » qu’à la suite d’une mise à l’épreuve, que ce soit la sélection des meilleurs candidats à un concours, celle des entreprises les plus efficaces ou celle des espèces les mieux adaptées. Or de nombreuses idées sont refusées dans une société ou dans un groupe social du seul fait qu’elles ne sont pas conformes à l’éthique générale de cette société ou de ce groupe. Par exemple l’idée qui viserait à restaurer aujourd’hui les ordres et les privilèges supprimés par la révolution française ; ou les manipulations génétiques des êtres humains ; ou encore un projet de réforme proposé par le gouvernement et jugé inacceptable par l’Assemblée Nationale ou par le corps social. Ces idées ne sont pas mises à l’épreuve ; elles sont rejetées <em>a priori</em>. Dans la sélection naturelle, la nature ne sélectionne que « sur pièces » pourrait-on dire, elle constate en quelque sorte l’échec des moins bien adaptés et les sanctionne, mais seulement après avoir constaté leur échec, et après leur avoir donné une chance. La société n’agit de cette façon que dans des domaines où elle porte des jugements d’efficacité (technique ou économique) et permet l’expérimentation. Mais la société porte aussi des jugements de valeur, qui fait que certaines idées ne peuvent ni être expérimentées, ni avoir un semblant de réalisation. Il faut le souligner fortement : toute société admet des normes sociales, dont certaines sont impératives. Et, en ce qui concerne les idées qui ne sont pas conformes à ces normes, il n’y a pas de sélection car elles sont rejetées avant toute sélection. Comme un candidat à un concours qui n’aurait pas rempli les conditions d’inscription.</p> <h1 dir="ltr" id="heading23"><a href="#tocfrom1n6" id="tocto1n6">Conclusion : hier, l’animal-machine, aujourd’hui, l’ADN culturel</a></h1> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">73</span>Un peu de réflexion sur l’histoire des idées scientifiques permettrait sans doute d’éviter bien des bévues. C’était hier, on s’en souvient, l’invention de l’animal-machine, fantasme qui dura presque deux siècles, depuis Descartes jusqu’à une date avancée du XVIII<sup>e </sup>siècle. L’idée a permis de belles découvertes, j’en conviens, telle celle de Harvey sur la circulation du sang. Ce qui la justifiait, c’était l’avancée extraordinaire des sciences physiques dans la première moitié du XVII<sup>e </sup>siècle, de la mécanique en particulier, de Galilée à Newton. Toute nouvelle science, toute nouvelle grande découverte, fascine, et à juste titre. Mais le revers de la médaille, est qu’elle devient une mode, un schéma prédominant qui entrave l’essor d’autres disciplines, surtout si elles sont moins développées. Il est incontestable que les sciences biologiques étaient moins avancées au XVII<sup>e </sup>siècle que la mécanique qui trouva sa synthèse achevée (sous sa forme classique) avec Newton. C’est pourquoi on a voulu penser l’animal comme une mécanique vivante, assemblage de rouages et de ressorts, auxquels les constructeurs d’automates donnèrent forme au XVIII<sup>e </sup>siècle. Mais que seraient devenues les sciences de la vie si elles ne s’étaient affranchies de ce modèle qui leur convenait si peu ? Peut-on même imaginer un Linné, un Geoffroy Saint-Hilaire, un Cuvier, sans parler de Lamarck ou de Darwin ? Peut-on même imaginer des recherches sur les classifications des êtres vivants, sur les fonctions physiologiques, sur les plans d’organisation des êtres vivants, sur l’évolution enfin ? Chacune de ces notions est étrangère à la mécanique, et à la physique.</p> <p class="texte" dir="ltr"><span class="paranumber">74</span>Aujourd’hui, les sciences sociales sont dans le même rapport avec les sciences biologiques qu’hier les sciences biologiques l’étaient avec les sciences physiques. Elles sont beaucoup moins avancées. Mais elles ne pourront se développer qu’en dehors des modèles issus des sciences biologiques, et que seuls des esprits naïfs ou fascinés par l’extraordinaire développement de la biologie actuelle croient bon de vouloir leur imposer. Je crois en d’autres termes que l’ADN culturel a aujourd’hui aussi peu d’avenir intellectuel qu’hier l’animal-machine.</p> </div><!-- .text wResizable --><a class="go-top" href="#article-599">Haut de page</a></div><!-- #text --> <div id="bibliography" class="section"> <h2 class="section"><span class="text">Bibliographie</span></h2> <div class="text"> <p class="bibliographie" dir="ltr"><strong>Ayala 1978, </strong>AYALA F.J., Les mécanismes de l’évolution, Pour la Science, 13 &quot;L'évolution&quot;, 1978, p. 49-50.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr"><strong>Cavalli-Sforza 2005a, </strong>CAVALLI-SFORZA L.L., Des gènes aux idées : l’évolution des cultures, Sciences humaines - Les grands dossiers, 1 &quot;L'origine des cultures&quot;, 2005a, p. 68-71.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr"><strong>Cavalli-Sforza 2005b, </strong>CAVALLI-SFORZA L.L., Évolution biologique, évolution culturelle, traduit de l'italien (1984), Paris, Odile Jacob, 2005b, 253 p.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr"><strong>Jouxtel 2005, </strong>JOUXTEL P., Comment les systèmes pondent : introduction à la mémétique, Paris, Le Pommier, 2005, 333 p. (Mélét<span style="font-family:'Apple Chancery';"><em>è</em></span>).</p> <p class="bibliographie" dir="ltr"><strong>Le Guyader s.d., </strong>LE GUYADER H., L'évolution biologique dans les théories et les faits, [en ligne - consulté le 12.04.2012], in: Evolution : de l'origine de la vie aux origines de l'homme, Paris, CNRS, s.d. (Dossiers scientifiques SagaScience), <a href="./%22"><span style="color:#008080; text-decoration:underline;">http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosevol/decouv/articles/chap1/leguyader.html</span></a>.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr"><strong>Mayr 1978, </strong>MAYR E., L’évolution, Pour la Science, 13 &quot;L'évolution&quot;, 1978, p. 15-24.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr"><strong>Meek 1976, </strong>MEEK R.L., Social science and the ignoble savage, Cambridge, Cambridge University Press, 1976, 249 p. (Cambridge studies in the history and theory of politics).</p> <p class="bibliographie" dir="ltr"><strong>Testart 1992, </strong>TESTART A., La question de l'évolutionnisme dans l'anthropologie sociale, Revue française de Sociologie, Paris, 33, 1992, p. 155-187.</p> </div><a class="go-top" href="#article-599">Haut de page</a></div><!-- #bibliography --> <div id="annexe" class="section"> <h2 class="section"><span class="text">Annexe</span></h2> <div class="text directionltr"> <p class="annexe" dir="ltr"><strong>Abridged version</strong></p> <p class="annexe" dir="ltr">A number of scholars, be they biological scientists or not, suggested that social science would greatly benefit from a transposition of the Darwinian model, and that adaptation might be a key concept thereof. They draw a parallel first between  gene mutations and social or cultural innovations; second between genetic transmission and social or cultural transmission; third between natural selection (concept as used in life sciences) and a king of selection both in natural and cultural science.</p> <p class="annexe" dir="ltr">The article first addresses a general and epistemological concern. It explores the general scientific validity requirements of the Darwinian or neo-Darwinian model. It should be reminded that the Darwinian explanation implies three components:<br />- the idea of descent, or reproduction;<br />- a process (which Darwin had no idea what it could be) producing variations in the genetic material (these are now known as mutations);<br />- natural selection of the fittest.</p> <p class="annexe" dir="ltr">Further on, the article puts forward as its main argument the fact that natural selection plays an important role in defining the outlines of evolution only because the process producing changes does not. Let us consider for example the postulate that such process would only produce fitted varieties, or even the fittest. In this last case, no interference from natural selection would be required, save for confirming that the process producing new varieties does indeed produce the fittest: such process would have determined the course of evolution. Thus, to conclude: considering that natural selection (or fitness) is the key component of evolution implies that one has to reckon that the process generates variations irrespective of any adaptative values. This is the first condition for recognizing the Darwinian or neo-Darwinian model as epistemologically acceptable.</p> <p class="annexe" dir="ltr">Two other conditions are also set forth in this article (although it proves a little more difficult than for the first one): variations are to be generated within a large range of variations and at random (at least, without predictability). This last condition may be explained by the simple case of a process producing variations in a deterministic manner: nothing more than this process would be needed to determine the entire evolution, and natural selection would have no role to play.</p> <p class="annexe" dir="ltr">Based on current knowledge about mutations, such conditions are met – and the Darwinian model is acceptable and generally well-accepted for biology. Yet, social innovations do not comply with such conditions at all. For instance, with regard to the first condition, men obviously do not create new social patterns regardless of their adaptative values. Also, looking at an example of great innovation – such as the French Revolution – obviously there was not a great range of possible variations. For instance, before the night of August 4<sup>th</sup>, 1789, the only issue about nobility privileges was to decide whether they should be abolished or maintained. Nobody thought of coming back to medieval laws, and nobody thought of founding a new caste system similar to that of India, and so on. The only answer to achieve was yes or no, nothing compared to the range of colour variations of a bird’s feathers through mutations, for instance.</p> <p class="annexe" dir="ltr"> In a second section, the article highlights several aspects of social evolution as very different from biological evolution. If a bird’s feathers turn red owing to a mutation, they will not change during its lifetime; on the contrary, men not only create new social patterns but may also change such patterns in case they find them unsuitable. Therefore, the role of adaptation (fitness) may not be the same. History of Mankind includes many examples of innovations beginning at the same time in different countries: for instance, 1861 is when serfdom was abolished in Russia and also when began the Civil War that led to the abolition of slavery. While social events are connected, the mutations that affect different animal populations are not. Short-term evolutions are also known to occur while other slower evolutions gradually advance towards the same aim. Another distinctive aspect of social evolution is what may be called inheritance of acquired features: individuals may hand down to their offspring new tools or institutions invented or created during their lifetime. So there is no need to imagine a process producing variations irrespective of the life and experience of human beings, and operating beforehand. Man in society has the power to change the social institutions he lives in. Although not all components of a society stem from his will, many aspects of social life do.</p> <p class="annexe" dir="ltr">This article also stresses the fact that the social evolution designing process – sometimes simplistic – began before the biological evolution design, which started in the second half of the XVIII<sup>th</sup> century. The reason is that social evolution is known to all (even the Bible speaks of a line of succession from patriarch to monarch eras). Such evolution is commonly known because innovations were transmitted. On the contrary, Darwin’s model was specifically devised to explain a far from obvious evolution (evolution of species) that could hardly be explained by the inheritance of acquired features. Indeed, the Darwinian model was just the opposite to the current social evolution model. It seems paradoxical to try to use it against its initial purpose.</p> <p class="annexe" dir="ltr">Lastly, the article addresses the question of “Culture”, including the definitions provided by those pretending to apply biological models to social evolution. The fact that the French eat frogs and oysters is part of their culture, the French Culture; the fact that the English do not is part of their own. Should we think that the French are best fitted to their environment by eating frogs and oysters, and the English best fitted to theirs by not eating them? And, is this about <em>natural</em> or <em>cultural</em> environments? Asserting that eating frogs and oysters, which is a cultural behavior, is fitted to the culture of a people is tautological – not to say meaningless.</p> </div><a class="go-top" href="#article-599">Haut de page</a></div><!-- #annexe --> <div id="notes" class="section"> <h2 class="section"><span class="text">Notes</span></h2> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a id="ftn1" class="EndnoteSymbol" href="#bodyftn1">i</a> 1 La rédaction de cet article a grandement bénéficié de la discussion qui a suivi sa présentation lors des journées sur l’évolution organisées par Guillaume Lecointre les 15 et 16 avril 2008. </p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a id="ftn2" class="EndnoteSymbol" href="#bodyftn2">ii</a> 2 Donnée opportunément rappelée par Bernard Laks dans son intervention aux journées signalées en note 1</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a id="ftn3" class="EndnoteSymbol" href="#bodyftn3">iii</a> 3 « Les mutations donnant naissance à des changements notables dans les caractéristiques physiques de l’organisme, sont généralement délétères : en effet, lorsqu’une population est bien adaptée à son milieu, tout changement important est habituellement maléfique comme l’est généralement une importante modification aléatoire dans l’agencement du mécanisme d’une horloge, par exemple, le remplacement d’un rouage ou l’élimination d’un ressort » (Ayala 1978 : 49-50).</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a id="ftn4" class="EndnoteSymbol" href="#bodyftn4">iv</a> 4 « La variation des caractères [dans la théorie de Darwin] est indépendante de la sélection » (Hervé Le Guyader s.d.).</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a id="ftn5" class="EndnoteSymbol" href="#bodyftn5">v</a> 5 « Si la sélection naturelle est efficace, c’est parce qu’elle s’exerce sur une variabilité quasi-infinie » (Mayr 1978 : 20).</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a id="ftn6" class="EndnoteSymbol" href="#bodyftn6">vi</a> 6 Encore une fois, il n’est question ici de « n’importe quoi » qu’en termes de valeur adaptative, le fait que la mutation génère des formes absurdes ou non adaptées. Le fait que la mutation n’engendre que certaines formes et pas d’autres sur la base de la structure qui subit la mutation est sans pertinence par rapport à mon propos.</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a id="ftn7" class="EndnoteSymbol" href="#bodyftn7">vii</a> 7 Je ne dis ici « attribut » à la place de « caractère » que pour préserver l’analogie avec la sociologie (où le terme « caractère » n’est pas employé).</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a id="ftn8" class="EndnoteSymbol" href="#bodyftn8">viii</a> 8 Je suppose un environnement où prédominent le vert et le marron.</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a id="ftn9" class="EndnoteSymbol" href="#bodyftn9">ix</a> 9 Peut-être faut-il rappeler que Wallace n’est en aucune façon « l’élève » de Darwin, contrairement à ce qu’écrit Cavalli-Sforza (2005 : 185).</p><a class="go-top" href="#article-599">Haut de page</a></div><!-- #notes --> <div id="illustrations" class="section"> <h2 class="section"><span class="text">Table des illustrations</span></h2> <table id="docImages"> <tbody> <tr class="image"> <th colspan="2" rowspan="5"><img alt="" src="docannexe/image/599/img-1-small64.jpg" /></th> </tr> <tr class="titre"> <th scope="row">Titre</th> <td class="directionltr">1. Mécanisme d’ensemble de la théorie darwinienne ou néo-darwinienne / The Darwinian or neo Darwinian explanation</td> </tr> <tr class="legende"> <th scope="row">Légende</th> <td class="directionltr">Sous la barre horizontale, le fait générateur de variations engendre une dispersion à partir de l’espèce n° 1 ; au-dessus de la barre, la sélection naturelle élimine les variétés les moins adaptées pour ne laisser que la mieux adaptée, sélectionnant la variété ou espèce n° 2 / Below the horizontal line, the process producing variations creates a range of different varieties out of a first species (1); natural selection weeds out the less fitted and selects the fittest variety or species (2)</td> </tr> <tr class="source"> <th scope="row"><abbr title="Uniform Resource Locator" lang="en" xml:lang="en">URL</abbr></th> <td><a href="docannexe/image/599/img-1.jpg">http://journals.openedition.org/pm/docannexe/image/599/img-1.jpg</a></td> </tr> <tr class="info"> <th scope="row">Fichier</th> <td>image/jpeg, 92k</td> </tr> </tbody> <tbody> <tr class="image"> <th colspan="2" rowspan="5"><img alt="" src="docannexe/image/599/img-2-small64.jpg" /></th> </tr> <tr class="titre"> <th scope="row">Titre</th> <td class="directionltr">2. Récapitulatif de l’explication / Explanation summary</td> </tr> <tr class="legende"> <th scope="row">Légende</th> <td class="directionltr">La flèche en trait gras (allant de l’espèce ou variété n° 1 à la n° 2) résulte de la double action de la sélection naturelle, élimination des variétés non viables, sélection de la plus adaptée / bold line arrow (from 1 to 2 variety) is the result of the natural selection which first eliminates unsustainable varieties, then selects the fittest</td> </tr> <tr class="source"> <th scope="row"><abbr title="Uniform Resource Locator" lang="en" xml:lang="en">URL</abbr></th> <td><a href="docannexe/image/599/img-2.jpg">http://journals.openedition.org/pm/docannexe/image/599/img-2.jpg</a></td> </tr> <tr class="info"> <th scope="row">Fichier</th> <td>image/jpeg, 140k</td> </tr> </tbody> <tbody> <tr class="image"> <th colspan="2" rowspan="3"><img alt="" src="docannexe/image/599/img-3-small64.jpg" /></th> </tr> <tr class="source"> <th scope="row"><abbr title="Uniform Resource Locator" lang="en" xml:lang="en">URL</abbr></th> <td><a href="docannexe/image/599/img-3.jpg">http://journals.openedition.org/pm/docannexe/image/599/img-3.jpg</a></td> </tr> <tr class="info"> <th scope="row">Fichier</th> <td>image/jpeg, 108k</td> </tr> </tbody> <tbody> <tr class="image"> <th colspan="2" rowspan="4"><img alt="" src="docannexe/image/599/img-4-small64.jpg" /></th> </tr> <tr class="titre"> <th scope="row">Titre</th> <td class="directionltr">4. Schéma montrant comment le fait générateur de variations déterminerait complètement l’évolution s’il n’engendrait que la variété la plus adaptée / Theoretical diagram showing how the process producing variations would entirely determine the course of evolution in the event that only the fittest variety would stem from such process</td> </tr> <tr class="source"> <th scope="row"><abbr title="Uniform Resource Locator" lang="en" xml:lang="en">URL</abbr></th> <td><a href="docannexe/image/599/img-4.jpg">http://journals.openedition.org/pm/docannexe/image/599/img-4.jpg</a></td> </tr> <tr class="info"> <th scope="row">Fichier</th> <td>image/jpeg, 48k</td> </tr> </tbody> </table><a class="go-top" href="#article-599">Haut de page</a></div><!-- #illustrations --> <div id="quotation" class="section"> <h2 class="section"><span class="text">Pour citer cet article</span></h2> <h3>Référence électronique</h3> <p> <strong>Alain <span class="familyName">Testart</span></strong>, <span dir="ltr">«&nbsp;Les modèles biologiques sont-ils utiles pour penser l’évolution des sociétés ?&nbsp;»</span>,&#160;<em>Préhistoires Méditerranéennes</em> [En ligne], 2&nbsp;|&nbsp;2011, mis en ligne le <span dir="ltr">18 avril 2012</span>, consulté le <span dir="ltr">23 novembre 2024</span>. <span dir="ltr">URL</span>&nbsp;: http://journals.openedition.org/pm/599&nbsp;; <span dir="ltr">DOI</span>&nbsp;: https://doi.org/10.4000/pm.599</p><a class="go-top" href="#article-599">Haut de page</a></div><!-- #quotation --> <div id="authors" class="section authors"> <h2 class="section"><span class="text">Auteur</span></h2> <h3><a href="600">Alain <span class="familyName">Testart</span></a></h3> <p class="description directionltr">Laboratoire d’Anthropologie Sociale, 52 rue du Cardinal-Lemoine, 75005, Paris - <span class="courriel">alain.testart@college-de-france.fr</span></p><a class="go-top" href="#article-599">Haut de page</a></div><!-- #authors --> <div id="license" class="section"> <h2 class="section"><span class="text">Droits d’auteur</span></h2> <p style="margin-bottom:10px;"><a href="https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/"><img src="https://static.openedition.org/images/cc/cc-by.png" alt="CC-BY-4.0" /></a></p> <p>Le texte seul est utilisable sous licence <a href="https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY 4.0</a>. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.</p><a class="go-top" href="#article-599">Haut de page</a></div><!-- #license --></div><!-- #docBody --> <div class="navEntities bottom"><a rev="contents" class="goContents" href="560" title="2 | 2011 Varia ">Sommaire</a><span class="separator"> - </span><a rev="prev" class="goPrev" href="581" title="Caractérisation chronoculturelle du mobilier funéraire en Provence au Néolithique final et au Bronze ancien">Document précédent</a><span class="separator"> - </span><a rel="next" class="goNext" href="601" title="Le Sud-Est de la France entre 4400 et 3400 avant notre ère. Sériation céramique et outillage lithique">Document suivant</a></div><!-- .navEntities bottom --></div><!-- #main --></div><!-- #content--> <div id="barre"> <div id="nav"> <h1 class="hidden">Navigation</h1> <div id="navEntries"> <h2>Index</h2> <ul> <li><a href="33">Auteurs</a></li> <li><a href="38">Mots-clés</a></li> </ul> </div><!-- #navEntries --> <div id="navIssues"> <h2>Numéros ouverts</h2> <ul class="issues"> <li><a href="4136"><span class="number">11&nbsp;| 2023</span><br /><span class="title">Varia&nbsp;</span></a></li> </ul> <h2>Numéros en texte intégral</h2> <ul class="issues"> <li><a href="3424"><span class="number">10&nbsp;| 2022</span><br /><span class="title">Varia&nbsp;</span></a></li> <li><a href="2695"><span class="number">9.2&nbsp;| 2021</span><br /><span class="title">Grottes et dolmens</span></a></li> <li><a href="2563"><span class="number">9.1&nbsp;| 2021</span><br /><span class="title">Varia&nbsp;</span></a></li> <li><a href="2077"><span class="number">8&nbsp;| 2020</span><br /><span class="title">Identité&nbsp;? Prestige&nbsp;? Quoi d’autre&nbsp;?</span></a></li> <li><a href="1706"><span class="number">7&nbsp;| 2019</span><br /><span class="title">Varia - Renouvellement des outils informatiques pour l’enregistrement et l’étude des sépultures collectives. Échanges méthodologiques</span></a></li> <li><a href="1361"><span class="number">6&nbsp;| 2018</span><br /><span class="title">Varia&nbsp;</span></a></li> <li><a href="1298"><span class="number">5&nbsp;| 2016</span><br /><span class="title">Varia&nbsp;</span></a></li> <li><a href="714"><span class="number">4&nbsp;| 2013</span><br /><span class="title">Varia - Économie alimentaire et alimentation à l’âge du Bronze en Europe</span></a></li> <li><a href="699"><span class="number">3&nbsp;| 2012</span><br /><span class="title">La sépulture collective mégalithique de Cabrials (Béziers, Hérault)</span></a></li> <li><a href="560"><span class="number">2&nbsp;| 2011</span><br /><span class="title">Varia&nbsp;</span></a></li> <li><a href="561"><span class="number">S&nbsp;| 2011</span><br /><span class="title">2900-1900 av. n.-è. Une méthodologie et un référentiel pour un millénaire de produits céramiques</span></a></li> <li><a href="381"><span class="number">1&nbsp;| 2010</span><br /><span class="title">Varia&nbsp;</span></a></li> </ul> <h2>Ancienne série</h2> <ul class="issues"> <li><a href="58"><span class="number">14&nbsp;| 2008</span><br /><span class="title">La valeur fonctionnelle des objets sépulcraux</span></a></li> <li><a href="90"><span class="number">13&nbsp;| 2004</span></a></li> <li><a href="186"><span class="number">12&nbsp;| 2003</span></a></li> <li><a href="239"><span class="number">10-11&nbsp;| 2002</span></a></li> </ul> <h2 id="allIssues"><a href="55">Tous les numéros</a></h2> </div><!-- #navIssues --> <div id="navCollectionsSecondary"> <h2>La revue</h2> <ul> <li><a href="403">Présentation</a></li> <li><a href="415">Organisation de la publication</a></li> <li><a href="402">Recommandations aux auteurs</a></li> </ul> <h2>Informations</h2> <ul> <li><a href="473">Contact</a></li> <li><a href="478">Crédits</a></li> <li><a href="http://journals.openedition.org/pm?page=informations">Politiques de publication</a></li> </ul> </div><!-- #navCollectionsSecondary --> <div id="navSyndication"> <h2>Suivez-nous</h2> <ul> <li><a href="http://journals.openedition.org/pm/backend" title="Flux RSS"><img alt="Flux RSS" src="images/social-icons/rss.png" width="16" height="16" /> Flux RSS</a></li> </ul> </div> <div id="navNewsletters"> <h2>Lettres d’information</h2> <ul> <li><a href="http://newsletter.openedition.org">La Lettre d’OpenEdition</a></li> </ul> </div> <div id="logos"> <h2 class="hidden">Affiliations/partenaires</h2> <ul> <li> <div class="logolabel">Revue soutenue par l’Institut des sciences humaines et sociales (InSHS) du CNRS, 2023-2024</div> </li> <li><a href="http://journals.openedition.org/" title="OpenEdition Journals"><img alt="OpenEdition Journals" src="images/logo-oej.png" /></a></li> </ul> </div><!-- #logos --></div><!-- #nav --></div> <div id="footer"> <p class="first">ISSN électronique 2105-2565</p> <p><a href="https://www.openedition.org/2792">Voir la notice dans le catalogue OpenEdition</a>&#160;</p> <p><a href="http://journals.openedition.org/pm/?page=map">Plan du site</a>&#160;&#8211; 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